Après deux ans de travaux de restauration végétale, le bosquet de la Reine est à nouveau accessible au public. De nombreux mécènes, français et étrangers, entreprises, fondations et institutions, ainsi qu’une centaine de particuliers ont permis la réalisation de ce chantier d’envergure.
La renaissance du bosquet de la Reine
Un bosquet atypique
Créé en 1776 à l’emplacement du Labyrinthe, ce jardin d’agrément prolongeant le parterre de l’Orangerie fut composé spécialement pour la reine Marie-Antoinette afin qu’elle puisse disposer d’un lieu de promenade à l’écart des nombreux visiteurs. Ce jardin d’acclimatation reprenait la structure des jardins paysagers du XVIIIe siècle tout en associant la rigueur des tracés à la française, chers à la Cour, à la divagation d’allées serpentines inspirées des nouveaux modèles anglais.
Création atypique des jardins de Versailles, le bosquet de la Reine est le seul bosquet dont la richesse résidait dans ses composantes végétales aux floraisons diversifiées et échelonnées ; privilégiant les buissonnements précieux et les essences nord-américaines nouvellement introduites en Europe, telles que le tulipier de Virginie, l’arbre à neige ou l’arbre aux clochettes.
Fortement dégradé au cours des XIXe et XXe siècles, le bosquet de la Reine, bien qu’il conservât encore l’essentiel de sa composition d’origine, n’était plus qu’une pâle évocation de ce qu’il fut sous le règne de Louis XVI. Vingt ans après la tempête de 1999, le château de Versailles a ainsi souhaité poursuivre sa politique de restauration et de valorisation des jardins – véritable pendant végétal à la résidence royale – en s’attachant à restituer l’image du bosquet de la Reine telle que Marie-Antoinette l’a connue.
Précédée d’une recherche documentaire archéologique détaillée afin de retrouver le plus précisément possible les anciennes dispositions (plantations, mobilier, décor sculpté, etc.), la restauration du bosquet a été l’occasion de recomposer ce lieu dont les particularités botaniques constituent l’élément principal de son décor ; au même titre que les architectures de treillages ou fontaines pour d’autres bosquets des jardins de Versailles.
Un chantier conséquent
Prévu sur deux ans, ce chantier fut séquencé en deux phases. Dans un premier temps, les allées d’accès ont été repiquées et près de 150 tulipiers de Virginie ont été replantés au sein du carré central. Les boisements périphériques ont été ensuite agrémentés de 600 rosiers de variétés, rendant hommage à la célèbre collection de roses de Marie-Antoinette et les salles de verdure ont été replantées d’arbres et d’arbustes à fleurs.
Les essences d’arbres et d’arbustes ont été choisies dans une large palette végétale conforme à celle des jardins de la fin du XVIIIe siècle. Cette grande diversité d’arbres à fleurs donne à chaque salle du bosquet une atmosphère et une appellation particulière : salle des arbres à neige, salle des azéroliers ou encore salle des sumacs de Virginie.
« Le bosquet de la Reine est un Jardin à part. Je crois qu’il n’y a point d’autre moyen pour le rendre agréable et multiplier l’espace, que d’en faire un Bosquet dans le goût moderne, de le composer de tous les arbres étrangers qui ont quelques agréments. Dans ce lieu il sera nécessaire de varier artistiquement la forme des arbres, celle des feuilles, la couleur des fleurs, le temps de leur fleuraison, et leurs différentes teintes de verdure… »
Gabriel Thouin, paysagiste, le 22 octobre 1775.
LES mécènes
La replantation des rosiers du bosquet de la Reine, et notamment des roses de Granville, a été rendue possible grâce au mécénat de Parfums Christian Dior.
Sensibles au symbole nord-américain que représente ce bosquet, des entreprises et particuliers fédérés américains ont souhaité participer à sa restauration végétale.
La Salle des Cognassiers a été restaurée grâce au legs de Monsieur Jean-Claude Hubert et au mécénat des donateurs privés rassemblés par la Société des Amis de Versailles.
La salle des cerisiers du Japon ainsi que l’ensemble des cerisiers et merisiers ont été replantés grâce au mécénat de KOSÉ Corporation.
Le Département des Yvelines a soutenu la replantation du bosquet de la Reine.
Une campagne de mécénat a été ouverte, dès le début de la restauration, afin de permettre au grand public d'adopter les tulipiers de Virginie du bosquet de la Reine. Près de 120 particuliers ont ainsi permis la replantation de la salle des Tulipiers.
France Relance
Cette restauration a bénéficié du plan France Relance.
Entretien avec Ariane Herviaux, chef dE chantier du bosquet de la Reine
À seulement 28 ans, Ariane Herviaux a déjà laissé son empreinte dans les jardins de Versailles. Employée par l’entreprise Pinson paysage, elle participe de 2010 à 2012 à la restauration du bosquet du Miroir puis à la restauration du parterre de Latone de 2013 à 2015.
Elle revient aujourd’hui sur la restauration du bosquet de la Reine, dont elle est chef de chantier, qu’elle mène sous la conduite de la Direction du patrimoine et des jardins du château de Versailles dont les travaux sont dirigés par Jacques Moulin, Architecte en Chef des Monuments Historiques.
Quelles sont les différentes étapes du chantier ?
La première phase du chantier de restauration s’est déroulée de janvier à juin 2020 et concerne la replantation d’une centaine de tulipiers de Virginie dans le carré central. Sélectionnés en pépinière, les tulipiers de Virginie replantés sont âgés de 15 ans et font déjà plusieurs mètres de haut. Dans un premier temps, il a fallu effectuer un travail de terrassement du sol afin d’apporter une terre végétale adaptée aux tulipiers et restituer les allées et esplanade centrale.
La seconde phase du chantier s’apprête à débuter et concernera la replantation des salles adjacentes, des plates-bandes fleuries composées entre autres végétaux de vivaces et de rosiers.
Quelles difficultés avez-vous rencontré durant cette première phase ?
Au début du chantier, la grande difficulté a été la restructuration de la salle principale et les alignements des Tulipiers qu’il fallait faire coïncider entre les nouveaux plans et l’existant.
La pluie, également, qui est survenue durant plus de trois mois, de janvier à mars 2020, nous a rendu la tâche difficile. Le sol de Versailles étant sableux à base d’argiles, les machines s’embourbaient facilement et la terre mouillée devenait très difficile à travailler. Par la suite et jusqu’à la période automnale, un gros suivi d’arrosage pour éliminer le maximum d’air au niveau des racines et favoriser la bonne reprise des arbres a été essentiel y compris pendant le confinement.
Quel est votre meilleur souvenir pour l’instant de ce chantier ?
Se rendre compte du résultat quelques mois après la replantation est un souvenir émouvant car les tulipiers de Virginie avaient bien poussé. La première plantation d’un arbre après le travail considérable de terrassement est toujours un très beau moment également.
Selon vous, quel est l’impact du mécénat sur ce type de chantier ?
Les mécènes sont très présents au château de Versailles et c’est une très grande chance qu’ils soutiennent les restaurations patrimoniales. Leur implication permet de confirmer l’avenir prometteur des métiers de jardinier et paysagiste.