Le salon d'Hercule
Le salon d’Hercule est la dernière pièce créée à la fin du règne de Louis XIV. En effet, depuis 1682, la chapelle du Château occupait son emplacement sur deux étages et elle servit jusqu’en 1710, date où elle fut remplacée par la Chapelle royale actuelle. On posa alors un plancher pour créer un nouveau salon dont la décoration ne s’acheva que sous Louis XV. En 1730, celui-ci fait venir des Gobelins, à Paris, l’immense tableau de Véronèse, Le Repas chez Simon, que la république de Venise avait offert à Louis XIV en 1664 et qui y était entreposé depuis son arrivée en France. Les travaux du salon d’Hercule durèrent jusqu’en 1736, date à laquelle François Lemoyne acheva la peinture du plafond représentant L’Apothéose d’Hercule. Par son effet, cette vaste composition allégorique, ne comptant pas moins de cent quarante-deux personnages, voulait rivaliser avec les chefs-d’œuvre des fresquistes italiens, mais elle a été réalisée sur des toiles marouflées, c’est-à-dire collées sur le support. Malgré sa nomination au poste de Premier peintre du roi que Louis XV lui accorde en récompense de son travail, Lemoyne, épuisé par ce gigantesque chantier qui lui prit quatre ans, se suicide un an plus tard, en 1737.
Le salon de l'Abondance
Les soirs d’appartement, le salon de l’Abondance était le lieu des rafraîchissements ; un buffet y proposait café, vins et liqueurs. C’était aussi l’antichambre du cabinet des Curiosités ou des Raretés de Louis XIV, aujourd’hui occupé par le salon des Jeux de Louis XVI, auquel on accédait par la porte du fond. Le roi aimait montrer à ses hôtes les vases d’orfèvrerie, les gemmes et les médailles qui y étaient conservés et qui ont inspiré le décor de la voûte, où l’on peut voir en particulier la grande nef royale, représentée au-dessus de la porte. La nef du roi, un objet précieux en forme de navire démâté, était posée sur la table du souverain pour les grandes occasions, ou bien sur le buffet. Symbole de pouvoir, que chacun devait saluer au passage, elle contenait la serviette du souverain.
Le salon de Vénus
Ce salon, ainsi que le salon de Diane, constituait le principal accès au Grand Appartement car le Grand Escalier du Château, dit « escalier des Ambassadeurs » y aboutissait, avant sa destruction en 1752. Comme toutes les pièces suivantes, ce salon tire son nom d’une planète, thème lié au mythe solaire qui inspira tout le décor de Versailles dans les années 1670. Ici, Vénus est représentée au plafond sous les traits de la déesse de l’Amour qui, dans l’Antiquité grecque, était associée à cette planète. Les autres compositions peintes, qui ornent les voussures, représentent des grands hommes ou des héros antiques dont les actions, inspirées par la divinité du lieu, offrent souvent des allusions plus ou moins transparentes aux actions de Louis XIV lui-même. Ainsi la voussure représentant Alexandre épousant Roxane évoque-t-elle le mariage du roi, tandis que celle montrant l’empereur Auguste présidant aux jeux du cirque fait allusion au carrousel de 1662 donné en l’honneur de la reine Marie-Thérèse.
De toute l’enfilade, le salon de Vénus présente le décor le plus baroque. C’est le seul endroit où Le Brun a fait dialoguer architectures, sculptures et peintures, tantôt réelles et tantôt feintes : les pilastres et colonnes de marbre sont repris dans les perspectives peintes par Jacques Rousseau, et deux statues en trompe-l’œil du côté des fenêtres répondent à la figure de Louis XIV par Jean Warin.
Les soirs d’appartement, on dressait dans le salon des tables couvertes de corbeilles de fleurs, de pyramides de fruits frais et rares comme oranges et citrons, ainsi que de fruits confits et de massepains.
Le salon de Diane
Dans l’Antiquité grecque, la déesse de la Chasse, Diane, sœur d’Apollon, le dieu du Soleil, était associée à la lune. La partie centrale du plafond exécutée par Gabriel Blanchard représente Diane présidant à la navigation et à la chasse. Les voussures reprennent ces deux thèmes, célébrant les goûts cynégétiques de Louis XIV (Cyrus chassant le sanglier par Audran ; Alexandre chassant le lion, par La Fosse) et faisant allusion à la marine royale dont Colbert assurait au même moment le développement considérable (Jules César envoyant une colonie romaine à Carthage par Audran ; Jason et les Argonautes, par La Fosse). Sur la cheminée, le tableau de Charles de La Fosse représente Le Sacrifice d’Iphigénie (montrant l’intervention in extremis de Diane) et, en face, au-dessus de la console, Diane et Endymion de Gabriel Blanchard. Les bustes antiques proviennent des collections du cardinal de Mazarin léguées à Louis XIV.
Tout comme le salon de Vénus, le salon de Diane servait de vestibule au Grand Appartement et, au temps de Louis XIV, les soirs d’appartement, de chambre du billard. Deux gradins que l’on y plaçait permettaient au public de suivre les parties où brillait souvent le roi, très habile à ce jeu.
Le salon de Mars
À la suite des deux salons précédents, conçus comme des vestibules, le salon de Mars marquait le début de l’appartement du roi proprement dit par sa fonction de salle des gardes. Sa consécration au dieu de la Guerre est donc tout à fait adéquate. Au centre du plafond, Claude Audran a peint Mars sur un char tiré par des loups. L’œuvre est encadrée par deux compositions ; l’une, à l’est, par Jouvenet : La Victoire soutenue par Hercule suivie de l’Abondance et de la Félicité ; l’autre, à l’ouest, par Houasse : La Terreur, la Fureur et l’Épouvante s’emparant des puissances de la terre. Les voussures, traitées en camaïeu d’or, célèbrent les triomphes guerriers des souverains de l’Antiquité auxquels répondent tout naturellement les hauts faits militaires du roi évoqués par les écoinçons de stuc doré des frères Marsy. Enfin, la corniche accentue la vocation militaire en étant ornée de casques et de coiffures guerrières variées.
À gauche de la cheminée, on peut voir La Famille de Darius aux pieds d’Alexandre, par Charles Le Brun et à droite Les Pèlerins d’Emmaüs, d’après Véronèse : placés en pendant, selon la volonté du roi, ils révèlent la volonté de montrer que les peintres français pouvaient rivaliser avec les plus grands maîtres italiens. De part et d’autre de la cheminée, à l’emplacement où se trouvent aujourd’hui les tableaux, deux tribunes, supprimées en 1750, étaient destinées aux musiciens lorsque, les soirs d’appartement, le salon était réservé à la musique et à la danse.
Sur les murs latéraux se trouvent deux portraits d’apparat : Louis XV et Marie Leszczinska, tous les deux peints par Carle Van Loo. Quatre tableaux de Simon Vouet, provenant du château de Saint-Germain-en-Laye, et illustrant les vertus royales, sont placés en dessus-de-porte : La Tempérance, La Prudence, La Justice et La Force.
Le salon de Mercure
À l’origine, le salon de Mercure était la chambre de parade du Grand Appartement, d’où son nom de « chambre du lit », bien que très vite ce lit fût ôté en hiver afin de libérer l’espace et d’y installer des tables de jeu. Tables, miroirs, chenets et lustres d’argent massif magnifiquement ciselés par les orfèvres des Gobelins ornaient murs, plafonds et cheminée, jusqu’en 1689, date où Louis XIV dut se résoudre à les faire fondre afin de financer la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Une balustrade, également d’argent, séparait l’alcôve du reste de la pièce. Des brocarts – étoffes tissées de fils d’or et d’argent – tendaient les murs ainsi que le lit mais ils furent à leur tour envoyés à la Monnaie pour soutenir cette fois la guerre de Succession d’Espagne. L’un des rares moments où le salon de Mercure a servi réellement de chambre fut celui de la proclamation du duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, comme roi d’Espagne : le nouveau souverain y dormit durant trois semaines, avant de gagner son royaume. C’est également dans cette pièce que, du 2 au 10 septembre 1715, fut exposé le cercueil contenant la dépouille mortelle de Louis XIV.
Le plafond peint par Jean-Baptiste de Champaigne représente Mercure sur son char tiré par deux coqs. Le dieu préside aux échanges commerciaux, aux arts et aux sciences, et, comme messager des dieux, aux ambassades, thèmes que l’on retrouve dans les voussures du plafond : Alexandre le Grand faisant porter à Aristote divers animaux étrangers afin qu’il écrive son Histoire naturelle, Auguste recevant une ambassade d’Indiens, Alexandre recevant une ambassade d’Éthiopiens et Ptolémée Philadelphe discutant avec des savants dans la bibliothèque d’Alexandrie. Ces scènes font écho à des événements du règne de Louis XIV comme la réception d’ambassades lointaines, le développement de la bibliothèque royale ou la publication, dans la collection du Cabinet du roi en 1671, de l’Histoire naturelle de Claude Perrault.
Le lit que l’on peut voir actuellement est celui que Louis-Philippe fit installer dans la chambre du Roi lors de la transformation de Versailles en musée. De part et d’autre sont accrochés deux tableaux que Louis XIV prisait tout particulièrement et qu’il avait fait exposer dans sa chambre : David jouant de la harpe par Le Dominiquin et Saint Jean à Patmos, alors attribué à Raphaël.
Le salon d'Apollon
Conçu pour être la chambre d’apparat du souverain, le salon d’Apollon fut finalement utilisé comme salle du trône à partir de 1682. Le plafond est consacré au dieu du soleil, des arts et de la paix. Le symbole solaire, choisi très tôt par Louis XIV, est représenté par Apollon s’élançant sur son char, entouré par des figures allégoriques. Les voussures illustrent la magnificence et la magnanimité du roi, au travers d’exemples tirés de l’Antiquité : Vespasien faisant bâtir le Colisée, Auguste édifiant le port de Misène, Porus devant Alexandre et Coriolan supplié par sa mère et son épouse d’épargner Rome.
Jusqu’en 1689, une estrade sous un dais accueillait le célèbre trône d’argent de Louis XIV (en réalité un immense fauteuil en bois haut de deux mètres soixante, recouvert de plaques et de sculptures d’argent). Ce meuble extraordinaire envoyé à la fonte fut remplacé par une succession de fauteuils dorés, dont le style évolua au cours du temps.
Au-dessus de la cheminée est accroché le portrait le plus célèbre de Louis XIV, peint par Hyacinthe Rigaud. Le peintre fit le portrait original en 1701, à la demande du roi lui-même, qui désirait l’offrir à son petit-fils devenu roi d’Espagne. Conquis par le résultat, Louis XIV souhaita garder pour lui l’original et commanda des copies à l’artiste. L’exemplaire de Versailles est la copie faite en 1702. L’original du tableau est au musée du Louvre.