Archiviste paléographe, docteur en histoire, ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome, il est conservateur en chef au château de Versailles, responsable des collections de sculpture et directeur du Centre de recherche. Découvrez « Le Versailles de » Alexandre Maral.
Le Versailles de
Alexandre Maral
Sa biographie
Archiviste paléographe, ancien élève de l’École du Louvre, docteur en histoire, Alexandre Maral est conservateur du patrimoine depuis 1998. Après avoir été en poste à Aix-en-Provence et pensionnaire de l’Académie de France à Rome, il est nommé au château de Versailles en 2005. Il y est responsable des collections de sculpture et directeur du Centre de recherche.
Ses coups de cœur
- Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ?
C’est sans conteste la Chapelle royale qui m’émeut le plus. Parce qu’elle représente la partie du château la plus élaborée, celle qui a fait l’objet de plus de soins. Parce qu’elle représente le dernier grand chantier de Louis XIV, qui en a fait en quelque sorte son testament architectural et spirituel. Parce que ce chef-d’œuvre d’architecture et de grand décor est aujourd’hui dans un état d’authenticité sans comparaison avec les autres parties du château. J’ai consacré 25 ans de ma vie scientifique à l’étude de cette chapelle : il en résulte ma thèse de doctorat, un livre sur le fonctionnement de l’édifice, publié par le Centre de musique baroque de Versailles en 2002, et un autre livre sur l’art de cette chapelle, publié par les éditions Arthena en 2011.
- Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?
En matière de peinture, c’est la Tente de Darius par Charles Le Brun qui retient mon attention lorsque je passe dans le salon de Mars, où le tableau est accroché. Chaque fois, je suis ému à l’idée que cette image a été élaborée conjointement par Le Brun et Louis XIV, qui était admiratif de la figure et de l’œuvre d’Alexandre le Grand. Elle dépeint un moment de magnanimité : tout en pardonnant aux femmes de Darius leur méprise, Alexandre salue en Héphestion, son lieutenant, un égal de lui-même. Côté sculpture, c’est le groupe d’Apollon servi par les nymphes de François Girardon et Thomas Regnaudin. Là encore, c’est une image forte, celle du dieu solaire, qui répand sa clarté et ses bienfaits sur le monde. C’est un symbole pour Louis XIV, un exemple stimulant qui, comme Alexandre, va guider son action à l’orée de son règne personnel. C’est aussi un chef-d’œuvre de la sculpture du Grand Siècle. Chef-d’œuvre en péril, que j’ai pu, grâce à l’aide de la Versailles Foundation, mettre à l’abri pour le sauver d’une inexorable destruction.
- Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux… Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?
J’ai beaucoup de souvenirs ici, mais, s’il faut en choisir un, ce serait celui de la visite de chantier à laquelle Pierre Lemoine m’avait permis d’assister en 1985. J’habitais encore Toulouse (où je suis né) à l’époque, et je venais à Versailles lors des vacances scolaires. J’avais demandé à rencontrer Pierre Lemoine pour lui faire part de ma passion pour Versailles, et il m’avait convié à cette réunion de chantier avec l’architecte en chef de l’époque, Jean Dumont. Nous avions parcouru l’ensemble du rez-de-chaussée du corps central, où se déroulaient les travaux des appartements delphinaux et de Mesdames. Je me souviens qu’on remettait en place les boiseries de la bibliothèque de Madame Victoire. C’était exaltant. Je dois beaucoup à Pierre Lemoine, qui m’a toujours permis de croire que je serais un jour conservateur à Versailles. Nous avons une mission à exercer, en tant que gardiens de ces lieux, pour les conserver et les faire connaître, mais aussi un rôle à jouer, je pense, pour repérer nos successeurs et les aider dans leur vocation.
Ses conseils de lecture
- Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?
Le livre incontournable sur Versailles est celui de Pierre Verlet, publié chez Fayard. C’est un ouvrage complet, érudit et accessible tout à la fois – trois qualités rarement réunies. Il explique bien les différentes phases d’aménagement du château, mais aussi l’histoire de la cour à Versailles, et il est illustré de nombreux plans qui facilitent la compréhension des lieux.
D’autres livres m’ont marqué, comme celui de Gérard Sabatier sur la figure du roi, celui de Franck Ferrand sur le Versailles d’après la Révolution, celui de Frédéric Tiberghien sur le chantier de Versailles.
- L’automne, avec son florilège de prix littéraires, met à l’honneur le monde des livres. Auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?
Je ne suis pas très à jour sur ce point et mes références datent un peu. Mais il y a des titres qui me restent présents, parce que, pour moi, ils ne vieilliront pas de sitôt. Ainsi, en histoire, je recommande un livre récent de Timothy Tackett, Anatomie de la Terreur. J’aime beaucoup cet historien, qui a renouvelé l’étude de la Révolution et de ses mécanismes. Comme Mona Ozouf, dont le livre sur Varennes est un sommet d’analyse politique. Comme Joël Félix, qui s’est penché sur la figure de Louis XVI. En histoire de l’art, je pense aux nombreux écrits de Marc Fumaroli, peut-être la dernière grande figure de la République des lettres, ce géant de la pensée humaniste qui nous a tout récemment laissés orphelins de l’esprit. Je recommande notamment son École du silence, le sentiment des images au XVIIe siècle. C’est lumineux et profond : une fête pour l’esprit.
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