Historien de formation, ancien élève de l’Institut français de Presse, il a notamment collaboré à l’hebdomadaire Le Point. Journaliste spécialisé dans la vulgarisation historique, il est rédacteur en chef du magazine Historia depuis 2014. Découvrez « Le Versailles de » Éric Pincas.
Le Versailles de
Éric Pincas
Sa biographie
Historien de formation, ancien élève de l’Institut français de Presse, Éric Pincas a notamment collaboré à l’hebdomadaire Le Point. Journaliste spécialisé dans la vulgarisation historique, il a publié de nombreux reportages, enquêtant sur des sujets méconnus comme le dossier secret de l’Affaire Dreyfus ou les Fusillés pour l’exemple de la Grande Guerre. Rédacteur en chef du magazine Historia depuis 2014, il a co-animé le cycle-événement Versailles et le monde avec Thierry Sarmant dans le cadre de la programmation culturelle « 1 an à Versailles » autour de l’exposition Visiteurs de Versailles. 1682-1789.
Ses coups de cœur
- Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ?
Lorsque j’étais étudiant en Histoire à la Sorbonne, je suivais les cours d’histoire moderne de Joël Cornette, lequel fut le premier à me faire prendre conscience de ce qu’était l’absolutisme royal et la monarchie de droit divin. Et j’ai aussitôt ressenti le besoin de découvrir Versailles, théâtre du culte royal. Seul, pendant des heures, j’ai pris le temps de m’imprégner de l’atmosphère de chaque pièce. Je garde le souvenir de la chambre du Roi-Soleil, là où se jouait la liturgie royale. Cette balustrade si symbolique séparant les courtisans ordinaires de leur souverain extraordinaire lors de la cérémonie du lever ou du coucher, ce lit à baldaquin tout aussi somptueux qu’austère, et surtout, depuis les fenêtres, cette perspective sur la cour d’Honneur, laissant deviner le poids de la charge, le sentiment de puissance et de solitude des monarques qui y ont projeté leur regard.
- Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?
J’affectionne particulièrement le « Versailles secret », celui des portes dérobées, des pièces exigues de la domesticité, mais aussi celui des passions plus ou moins clandestines des rois. Surplombant la cour des Cerfs, au sommet d’un escalier circulaire, au bout d’un couloir, je me souviens avoir été très intrigué par le cabinet de chimie de Louis XVI. C’est dans cette pièce, à distance des regards intrusifs de la cour, que le souverain cultivait son jardin secret : horlogerie, serrurerie, menuiserie. Un objet qu’on pourrait qualifier de « mouvement d’horloge ancien » y est toujours conservé. Une mécanique tout à fait symbolique et emblématique de ce roi savant, en rupture avec les codes de la vie de cour traditionnelle, fuyant peut-être la superficialité de l’étiquette, pris dans les rouages d’un système dynastique tout aussi implacable qu’incapable d’arrêter le cour de l’Histoire…
- Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux… Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?
Versailles de nuit est incontestablement une merveille. L’atmosphère qui gagne le domaine y est tout à fait particulière. Les illuminations subliment les dorures du château et la splendeur des fontaines sculptées. L’obscurité enveloppant le parc attise les feux de l’imagination. Au détour du moindre bosquet, l’on s’attend à voir surgir les fantômes du temps d’avant : les dames de la cour au visage fardé de blanc et de rouge, prisonnières de leur corset dans leurs robes satinées, accompagnées de leurs galants portant beau leur habit de velours ou de soie à la française. Au sortir des conférences nocturnes que j’ai eu le plaisir d’animer au château, j’ai ressenti l’étrange sensation de la présence de ce peuple des ombres. Pas mystique pour un sou, ou pour un Louis – c’est de circonstance –, même d’or fût-il, j’ai été irrémédiablement rattrapé par l’esprit des lieux avec une force étonnante. Celle d’un Versailles éternel.
Ses conseils de lecture
- Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?
C’est la question piège par excellence tant la littérature sur le sujet est abondante. Mais puisqu’il le faut, sur ces dernières années, je retiendrai le Versailles enquête historique, de Mathieu da Vinha, dans lequel l’auteur décrypte avec brio, à l’occasion de la série Versailles de Canal +, toute la mécanique versaillaise : la genèse du projet de Louis XIV, l’incroyable défi d’un chantier titanesque, la vie de cour, le culte royal, les rouages politiques… rien ne manque. Pour qui veut comprendre le système de l’absolutisme royal rattaché à cet écrin d’exception, ce livre apporte toutes les réponses essentielles.
- Classique, récit d’aventures, beau-livre… Incontournable de votre bibliothèque ou récente découverte, auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?
Au cours des longues semaines de confinement, je me suis plongé dans le roman Expiation de Ian McEwan. L’intrigue se déroule au cours de l’été 1935 et rend compte d’un drame familial, né de l’imagination trop fertile d’une adolescente, dans une Angleterre corsetée par les conventions sociales. Un roman où la petite histoire se mêle à la grande, celle de la Débacle de l’été 1940. La plume de McEwan, avec force et réalisme, nous entraine dans une histoire captivante, formidablement bien structurée, explorant les ressorts de la jalousie, de la culpabilité, et cultivant avec génie l’art de l’intrigue en trompe-l’œil.
Retrouvez en écoute des rencontres du cycle-événement "Versailles et le monde" co-animé par Éric Pincas : "Versailles et le monde - La Russie" et la conférence de clôture.
Un lieu, une œuvre, un souvenir… Découvrez « Le Versailles de » Thierry Sarmant et Mathieu da Vinha en cinq questions.
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