Le Versailles de
Mathieu Da Vinha

Docteur en histoire moderne, ingénieur de recherche de l’université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, il est directeur du Centre de recherche du château de Versailles, après en avoir été le directeur scientifique de 2009 à juin 2024. Découvrez « Le Versailles de » Mathieu da Vinha.

Sa biographie 

Mathieu da Vinha est docteur en histoire moderne après la soutenance d’une thèse publiée sous le titre Les Valets de chambre de Louis XIV. Ingénieur de recherche de l’université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, il est directeur du Centre de recherche du château de Versailles après en avoir été le directeur scientifique de 2009 à juin 2024. Auteur de plusieurs études et articles, il travaille plus spécifiquement sur les usages de la cour de France et sur le fonctionnement quotidien du château de Versailles sous l’Ancien Régime. Parmi ses livres, on peut mentionner : Au service du roi : Dans les coulisses de Versailles (2015) ; Versailles : Histoire, dictionnaire et anthologie (2015, dir. avec Raphaël Masson) ; Dans la garde-robe de Marie-Antoinette (2018) ; Vivre à la cour de Versailles en 100 questions (2018) ; Les souverains à Versailles : entre vie publique et vie privée (2018) ou encore Le Plaisir de vivre ou les libertés de la marquise de Jaucourt (2023, prix du livre Talleyrand).

Ses coups de cœur

  • Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ?

Je vais être assez classique dans ma réponse. Le lieu qui m’intéresse le plus dans le Château est sans doute la chambre de Louis XIV. Cela tient à mes recherches originelles sur les valets de chambre du roi et mon intérêt pour l’intimité royale. Par ailleurs, je trouve ce lieu fascinant par tout le symbole politique qu’il représente et, partant, le symbole de prestige voulu par le souverain. Son décor, son ampleur (elle mesure 92m2 sans que l’on s’en rende compte) et sa situation en font la pièce la plus importante du palais qui, assez étonnamment, était visitable par tout un chacun sous l’Ancien Régime ! Par extension, j’aime toutes les pièces liées à la vie privée du roi ou de la reine qui parfois permettent de saisir les personnalités des souverains.

  • Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?

C’est difficile de répondre à cette question car Versailles représente un tout. Au contraire du musée du Louvre où l’on vient parfois pour voir spécifiquement telle ou telle œuvre, Versailles représente un tout, une sorte de quintessence de l’art de vivre à la française. On a beau savoir qu’il est un palimpseste de plusieurs époques, l’effet opère et on se laisse envoûté par l’ensemble du décor qui comprend justement peintures, sculptures et objets d’art. Je suis autant fasciné par les grandes galeries de peintures historiques (du XVIIe siècle au premier étage de l’aile du Nord ou du XIXe aux attiques des ailes du Midi et du Nord), car elles me rappellent les livres d’histoire ou de littérature de ma scolarité, que par le passe-partout des appartements de la dauphine présenté dans les petits cabinets de Marie-Antoinette…

Vue de l'une des dix salles Louis XIV

© EPV / Thomas Garnier

Le lien vers le site collection

 

  • Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux, … Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?

Avant même d’y travailler, j’ai eu la chance de pouvoir visiter Versailles en long, en large et en travers dès le début de ma thèse en 1999. Muni d’un trousseau de clefs, je retrouvais les traces des valets de chambre royaux que j’étudiais. Je pense que le moment le plus intense fut pour moi d’emprunter l’escalier dit « des Dupes », immédiatement après le Salon de l’œil-de-Bœuf, et découvrir les espaces en entresol dédiés au premier valet de chambre de service. Cet escalier à vis, qui dessert tous les niveaux depuis le rez-de-chaussée jusqu’aux attiques est le plus ancien du Château, sans doute parmi les plus étroits et dégage une émotion particulière car il représente pour moi la meilleure image que l’on a des passages dérobés quand on est enfant.

Ses conseils lecture 

  • Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?

Versailles, depuis le XVIIe siècle, a donné lieu à la publication de milliers d’ouvrages et il est difficile d’en choisir un seul. Toutefois, si j’avais un conseil à une personne qui souhaiterait découvrir le lieu dans son ensemble, je recommanderais celui de Pierre Verlet, Le Château de Versailles, paru en 1961 et complété en 1985, donnant une très bonne synthèse du château sous l’Ancien Régime. Pour approfondir, je pense à la série Versailles et la Cour de France de Pierre de Nolhac en 10 volumes. C’est incroyable de se dire qu’au début du XXe siècle, le conservateur du palais avait déjà identifié pratiquement toutes les sources principales relatives à Versailles, tout en les restituant dans une langue parfaite. Et que dire de Versailles après 1789 ? Bref, ce n’est pas un livre qu’il faut, mais une bibliothèque !

  • Classique, récit d’aventures, beau-livre… Incontournable de votre bibliothèque ou récente découverte, auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?

Mon dernier grand plaisir de lecture ne concerne Versailles qu’indirectement. Il s’agit de l’ouvrage de Christine Le Bozec, Les femmes et la Révolution 1770-1830 (2019). Dans cet ouvrage, l’auteur revient sur nombre d’idées reçues quant à la condition féminine au XVIIIe siècle. Elle contextualise tout d’abord le statut des femmes dans la France des Lumières, une salonnière ne pouvant être comparée à une domestique. Toutefois, si cette première semble jouir d’importantes libertés, celles-ci ne pouvaient s’exprimer que dans le cadre précis et la durée de son salon… La femme, qu’elle appartienne à la haute aristocratie, à la haute bourgeoisie ou au plus simple état, demeurait une éternelle mineure, dans la dépendance de son père, de son frère ou de son mari. Malgré cette subordination, la condition des femmes évolua durant la Révolution sur bien des points, en obtenant le droit de divorcer notamment, avant de perdre à nouveau ces faibles avancées sous les régimes suivant.

Retrouvez en écoute la conférence de Mathieu da Vinha : "Dans la garde-robe de Marie-Antoinette : inventaire".

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