Agrégée et docteure en Histoire moderne, collaboratrice du Centre de recherche du château de Versailles, elle est spécialiste de l’éducation des princes et des élites aux XVIIe et XVIIIe siècles. Découvrez « Le Versailles de » Pascale Mormiche.
Le Versailles de
Pascale Mormiche
Sa biographie
Agrégée et docteure en Histoire moderne, Pascale Mormiche est spécialiste de l’éducation des princes et des élites aux XVIIe et XVIIIe siècles. Collaboratrice de nombreux organismes de recherche dont le Centre de recherche du château de Versailles, elle enseigne à l’Université de Cergy-Pontoise. Elle est l’auteur de Devenir Prince, l’école du pouvoir en France (XVIIe-XVIIIe siècles) (CNRS éditions, 2009), Naissance et petite enfance à la cour de France (avec Stanis Perez- Éditions du Septentrion, 2016) et Le petit Louis XV. Enfance d’un prince, genèse d’un roi (1704-1725) (Éditions Champ Vallon, 2018).
Ses coups de cœur
- Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ?
J’apprécie de m’attarder à un angle de l’appartement intérieur du roi où je jette un regard vers la droite, vers le Méridien de Versailles, matérialisé par une baguette de cuivre qui brille à l’horizontal sur le parquet du cabinet, et de tourner la tête vers la gauche, vers le grand cadran solaire vertical dans la Cour des cerfs. Cet axe qui diagonalise le carré de la cour des Cerfs me fait percevoir la passion intime de Louis XV pour l’astronomie, passion qu’il exerce régulièrement depuis son enfance. Passion pour laquelle il a tenu, au cœur même de la splendeur du style qu’il impose aux meubles, aux horloges dans ses appartements personnels, à matérialiser au sol et au mur les outils de mesure du temps et de l’espace. Et là, retentit le discret parcours du temps des secondes de l’horloge de Passement, interrompu par son tintement régulier des quarts d’heure : la mesure du monde selon Louis XV.
- Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?
L’élégance du jeune Louis XV dans une peinture peu connue de Justinat. L’enfant revint à Versailles après ses années parisiennes en juin 1722. Il a douze ans, plus tout à fait un enfant, presque un roi. Dans une position d’une élégance inouïe, il tient le monde entre ses deux index, un index d’une main encore enfantine immobilise un mince sceptre, l’autre index se tend vers l’avenir. La pointe d’un élégant tricorne façonne sa détermination. Son corps dans un habit argenté est empreint de danse baroque. Le noir de sa cravate et du nœud au poignet souligne la blancheur de la peau et la finesse du sourire. Il plonge ses yeux dans notre regard, prêt à secouer sa perruque bouclée et à faire scintiller son habit couvert de diamants d’un geste rapide de l’enfance partant d’un grand éclat de rire. Tout dans cette image, l’oppose au directif et magnifique Louis XIV. Tout respire un siècle nouveau.
- Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux… Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?
Ce fut une soirée d’octobre 2005, une soirée de Nuit Blanche à Versailles. Je pénétrais dans le bosquet de la Salle de Bal par les chemins contournés et il y avait très peu de monde. L’eau cascadait sur les rocailles, les coquillages et les dorures dans ce début de nuit. La musique jouait un air baroque de cour dont je n’ai plus souvenir. L’éclairage particulier charpentait la forme de l’amphithéâtre en gradins successifs. Et une mousse blanche nuageuse de boîte de nuit m’enveloppa jusqu’à la taille tandis qu’une boule à facette faisait briller par éclat les vases. Nous flottions sur ce nuage dans la modernité permanente de Versailles, dans une soirée que n’aurait sans doute pas déplorée Louis XIV. C’est la nuit que Versailles impressionne le plus, dans le grand silence de ses salons, dans l’immensité de l’ombre noire, dans le grincement des parquets parcourus à la lueur de quelques lampes. Ombre, lumière et modernité.
Ses conseils de lecture
- Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?
J’ai ressenti différemment Versailles après avoir lu Le roi-Soleil se lève aussi de Philippe Beaussant. D’une écriture puissante et raffiné, précise et érudite, Philippe Beaussant a fait vivre le quotidien du roi à une époque où, quand son livre a été publié (2000), on s’attardait encore peu sur les aspects matériels de la vie au château. L’idée de raconter une journée du roi permet au lecteur de passer outre l’anecdote, la magnificence et le cliquant auxquels se limitent encore certains visiteurs séduits. Il permet d’entrevoir l’essentiel, le pouvoir, le travail d’un individu façonné pour régner. Cet ouvrage marque l’aurore des publications sur la réalité matérielle du château de Versailles dont on apprécierait qu’elle façonne également, vingt ans plus tard, une image nouvelle des visiteurs.
- Classique, récit d’aventures, beau-livre… Incontournable de votre bibliothèque ou récente découverte, auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?
Je ne pourrais que conseiller le catalogue de la belle exposition Louis-Philippe qui montre le changement de Versailles dans la continuité, le passage de la résidence au Musée, le passage de la monarchie absolue d’autres formes politiques qui prirent naissance ici, à Versailles. Et il fait le lien également avec le catalogue de l'exposition très originale Versailles Revival 1867-1837 qui construit un autre mythe du château au tournant du XIXe siècle avec des peintures si historicisées de Gaston de La Touche ou d’autres ... Versailles se renouvelle encore et toujours.
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