Bâtir une chapelle à la mesure de versailles
Lorsqu'on arrive par la Place d’Armes, il est impossible de la manquer, avec sa forme élancée qui propulse le faîte de sa toiture à 40 mètres de hauteur, et ses façades de pierre sculptée aérées par de grandes fenêtres… Symbole de l’ordre divin à Versailles, la Chapelle royale dépasse de plusieurs dizaines de mètres les bâtiments alentours, comme si Louis XIV avait voulu rappeler par ce choix architectural le principe de la monarchie de droit divin : en faisant culminer le spirituel au-dessus du château qui symbolise l’étendue de sa puissance, il nous rappelle de qui il tire son pouvoir temporel.
Mais si la Chapelle royale rompt avec la ligne horizontale du château, elle n’en reste pas moins l’expression la plus aboutie du grand style royal voulu par Louis XIV et mis en œuvre par son premier architecte Jules Hardouin-Mansart, à qui l’on doit l’autre chantier majeur de la fin du règne du Roi-Soleil : la galerie des Glaces.
N’ayant connu que des modifications minimes (le lanternon initial fût retiré en 1765 pour soulager la charpente), la Chapelle est le témoignage intact de l’ambition du roi et de son architecte : donner à Versailles une chapelle digne du plus grand palais d’Europe. C’est sans doute la raison qui explique qu’il aura fallu attendre cinq années pour arrêter son emplacement définitif au sein du château...
Une architecture entre tradition et modernité
Architecturalement, les plans de Hardouin-Mansart traduisent une double volonté : celle de s’inscrire dans la tradition architecturale des chapelles royales françaises, tout en donnant à l’édifice un aspect profondément moderne, en phase avec le « grand style royal » versaillais.
On retrouve ainsi toutes les caractéristiques d’une chapelle palatine. L’un des exemples les plus flagrants ? La présence d’un balcon avec en son centre la tribune royale qui accueillait le souverain et sa famille. Les dames occupaient pour leur part les tribunes latérales tandis que le reste de la cour ainsi que le public s’installaient sur le parterre de la nef.
Nombreux sont ceux qui s’accordent pour déceler dans les formes du bâtiment des références manifestes à la Sainte-Chapelle érigée par saint Louis sur l’Île de la Cité, au cours des années 1240. En témoigne notamment une haute élévation (40 mètres) sur une base ramassée et fuselée (24 mètres de largeur pour 42 mètres de longueur), rendue possible par la colonnade intérieure, mais surtout par les grandes ouvertures qui laissent entrer la lumière.
La modernité s’exprime elle aussi dans les choix de l'architecte. A l’extérieur, ce sont les ornementations, les pilastres corinthiens (piliers inspirés de l’art antique et surmontés d’ornements végétaux) ou encore la statuaire riche qui culmine sur la balustrade. A l’intérieur, notons la voûte ininterrompue qui laisse la part belle aux fresques, les colonnes libres laissant pénétrer la lumière vive des grands panneaux de glaces blanches - un luxe pour l’époque.
En 1708, neuf ans après la reprise des travaux, Hardouin-Mansart décède. C’est son beau-frère Robert de Cotte qui finira de superviser le chantier qui s’achèvera l’année suivante.
Le 5 juin 1710 la Chapelle royale, achevée, reçoit la bénédiction de l’archevêque de Paris, le cardinal de Noailles, qui consacre ce que beaucoup considèrent être le testament spirituel de Louis XIV.
Les arts au service du sacré
À l’extérieur comme dans ses murs, la Chapelle royale se démarque par sa richesse artistique. Ce foisonnement des arts mis au service de l’expression du divin fait de cet édifice un des chefs-d’œuvre de l’art sacré en France.
L’extérieur laisse la part belle aux ornementations. Le décor sculpté est monumental : pas moins de trente statues réalisées par seize sculpteurs différents couronnent la balustrade et le fronton central de la Chapelle. Les thèmes représentés ne laissent bien entendu rien au hasard, mêlant grandes figures du christianisme et allégories des vertus chrétiennes. La toiture n’est pas en reste avec des plombs décoratifs qui, à l’époque du Roi Soleil, étaient couverts de feuille d’or.
À l’intérieur, les fresques - pour ne mentionner qu’elles - réunissent les peintres les plus talentueux de l’époque. Sur la surface entièrement unie de la voûte, on retrouve ainsi une fresque consacrée à la Sainte-Trinité : au centre, Dieu le Père dans sa gloire par Antoine Coypel, dans l’abside La Résurrection par Charles de La Fosse et, au-dessus de la tribune royale, La Descente du Saint Esprit par Jean Jouvenet. Ces œuvres picturales, saisissantes, bénéficient des larges ouvertures ornementées par des vitraux.
Un lieu de musique
La musique fait partie intégrante de l’édifice, et ce dès la cérémonie de la bénédiction de la Chapelle royale, durant laquelle son orgue a été inauguré par François Couperin. L’instrument, réalisé par Clicquot, est orné d’un roi David en relief, et se trouve exceptionnellement placé au-dessus de l’autel. Il fait ainsi directement face à la tribune depuis laquelle la famille royale assiste à la messe.
Aujourd’hui, des concerts continuent de faire vivre le répertoire important des musiques sacrées ou profanes de l’époque de Louis XIV à nos jours, et permettent de faire encore résonner, plus de 300 ans après sa construction, l’acoustique de ce haut lieu d’excellence musicale.
Les carnets de Versailles
Retrouvez les étapes de la restauration de la Chapelle Royale du début à sa fin à travers une série d'articles, depuis les détails des dorures aux sculptures de la toiture.