En 2025, le château de Versailles célèbre le 150e anniversaire de la IIIè République, dont les lois constitutionnelles ont été votées en ce lieu en 1875. Retour sur la naissance chaotique de cette République qui mit un terme au Second Empire.
IIIè République à Versailles 1875-1940
1870-1875 : les origines
Le 1er septembre 1870 lors de la guerre contre la Prusse, l'empereur Napoléon III est fait prisonnier à Sedan. Le 4 septembre, à Paris, Léon Gambetta proclame la déchéance de l'Empire, et la naissance de la République. Un gouvernement provisoire, dit de la "Défense nationale" est formé. Un groupe de républicains convainc Adolphe Thiers d'en prendre la tête. Les Prussiens ne souhaitent alors négocier qu'avec un gouvernement légitime, c'est ce gouvernement provisoire qui parvient à obtenir de la Prusse un armistice, contre la capitulation de Paris.
Les élections consacrent le triomphe de la droite monarchiste (légitimistes, orléanistes, bonapartistes), au détriment des républicains. Paris occupé par l'armée prussienne, l'Assemblée se réunit à Bordeaux, et nomme Adolphe Thiers « chef de l’exécutif » : on n’ose pas encore le terme de « président » ! Le gouvernement provisoire négocie la paix avec Bismarck et signe un armistice le 28 janvier 1871 : la France est sommée de livrer l'Alsace et la Lorraine et doit payer une indemnité de 5 milliards de francs-or. L'armée prussienne continue quant à elle d'occuper une partie du territoire français.
Le peuple de Paris refuse de reconnaître le résultat des élections, la négociation menée par Thiers et l'armistice du 28 janvier. Il se soulève et organise de nouvelles élections : le 26 mars est élue une Commune de Paris, qui s'érige en mouvement insurrectionnel et prend le drapeau rouge.
L'Assemblée de Thiers, toujours réunie à Bordeaux, souhaite rentrer à Paris, mais les troubles de la Commune l'en empêchent. Après quelques hésitations, les députés votent leur transfert à Versailles et décident de tenir leurs séances dans l’Opéra royal du Château, seul espace en capacité d'accueillir l'ensemble des députés. À la hâte, l'Opéra royal est transformé en salle des séances : on comble la fosse d'orchestre pour y installer le bureau du Président, on dépose le plafond de Durameau, remplacé par une verrière afin d'assurer un meilleur éclairage. La première session a lieu le 20 mars 1871.
L'armée de Thiers, les « Versaillais » (parmi lesquels beaucoup de prisonniers libérés par Bismarck), réprime dans le sang le soulèvement de Paris. Le 21 mai 1871, ils pénètrent dans Paris : la « Semaine sanglante » (21-28 mai 1871) marque la fin de la Commune. De nombreux Communards sont emprisonnés dans l'Orangerie du château de Versailles, dans l'attente de leur procès. Pendant près de quatre années, des conseils de guerre, réunis à Saint-Cloud, Vincennes ou Versailles, les jugent ; de nombreux Communards sont ainsi déportés en Nouvelle-Calédonie, d'autres passés par les armes au camp de Satory, à proximité du Château.
Avec le retour de la paix et de l’accalmie sociale, les républicains progressent aux élections partielles. Devant les querelles internes entre monarchistes, la République apparaît comme celle qui divise le moins : la situation conforte ainsi l’établissement de la République. Le 31 août 1871, Adolphe Thiers voit son pouvoir confirmé, et obtient le titre de "président de la République". En 1873, après paiement intégral de l'indemnité de guerre, il obtient le retrait des troupes allemandes du territoire français, qui se concrétise en réalité en septembre 1873, sous la présidence de Patrice de Mac-Mahon, légitimiste, élu président de la République à Versailles le 24 mai 1873, après la chute d'Adolphe Thiers.
L'Assemblée, toujours établie à Versailles, y reste jusqu'en 1879.
Le 30 janvier 1875, à Versailles, l'amendement Wallon est voté. Il instaure l'élection, pour sept ans, du président de la République à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. L'amendement est voté à une voix près.
« UNE VOIX ! (...) Elle a adopté l’amendement Wallon, c’est-à-dire la République, à une voix de majorité ! UNE VOIX ! (...) Mais n’anticipons pas. Où en sommes-nous ? où allons-nous ? Que veut-on ? que dit-on ? que fait-on ? De quelle chinoiserie parlementaire sortons-nous ? Après la fanfreluche républicaine de M. Laboulaye, on nous apporte aujourd’hui la fanfreluche non moins républicaine de M. Wallon (…) Oui, lecteur ! Hier, l’Assemblée a repoussé la République à 24 voix de majorité. Aujourd’hui elle l’a, sinon proclamée – du moins acceptée à UNE voix ! UNE voix !! UNE VOIX !!! Pauvre public, si tu y comprends quelque chose, tu es bien heureux ! »
- Le Figaro, 31 janvier 1875 (Gazette de l’Assemblée, Albert Millaud).
naissance de la Troisième République
Après quatre années de gestation incertaine, la IIIè République est définitivement adoptée à Versailles le 30 janvier 1875, par l'amendement Wallon. Trois amendements viennent par la suite compléter celui-ci pour former la Constitution de 1875. Celle-ci reste en vigueur jusqu'en 1940.
Les lois constitutionnelles votées en 1875 organisent ce nouveau régime parlementaire, doté d'un Parlement bicaméral, qui comprend la Chambre des députés et le Sénat : « Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. » (article premier de la loi du 25 février 1875). Le Sénat continue donc de siéger dans la salle de l'Opéra royal, et pour la seconde chambre, la construction d'une nouvelle salle à Versailles est décidée au début de l'année 1875. Entre mai et novembre 1875 est ainsi construite la salle du Congrès, au sein même du château de Versailles.
L'architecte Edmond de Joly est désigné pour la construction, dans l'Aile du Midi, de cette salle en hémicycle. Les députés y tiennent séance jusqu'à leur retour à Paris au Palais Bourbon en 1879 (loi du 22 juillet 1879 relative au retour des deux chambres du parlement à Paris, au Palais Bourbon et au palais du Luxembourg). La salle du Congrès contient 1 500 places, permettant d'accueillir les deux chambres en réunion - en "assemblée nationale", notamment lors de l'élection du président de la République. C'est ainsi que tous les présidents de la République sont élus à Versailles, entre 1875 et 1953.
Que reste t-il de la IIIè République à Versailles ?
L'Opéra Royal, transformé en Sénat par le gouvernement d'Adolphe Thiers, en porte toujours certaines traces. Le fronton de la façade de l’Opéra, côté rue, est toujours marqué de l’inscription « Sénat » . De même pour la façade de la Salle du Congrès, construite en 1875, qui porte toujours l'inscription « Chambre des députés ».
La salle du Congrès, qui a accueilli, des décennies durant, les élections des présidents de la République (jusqu'à celle de René Coty, en 1953), n'accueille aujourd'hui plus que les réunions du "Congrès", c'est-à-dire les deux chambres réunies (Assemblée nationale et Sénat), pour l'adoption des révisions constitutionnelles. Le Congrès s'est à ce titre réuni le 4 mars 2024 pour se prononcer définitivement sur l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution.
Outre les révisions constitutionnelles, les deux chambres peuvent également être appelées à se réunir en Congrès lors d'adresses exceptionnelles du Président de la République.
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1875/2025 : une programmation spéciale
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