28 juin 1919 : Traité de Versailles
Signé à la date anniversaire de l’attentat de Sarajevo qui a déclenché la Première Guerre mondiale, le Traité de Versailles met un terme définitif au conflit, et définit les sanctions prises à l’encontre de l’Allemagne. Le choix du lieu est également symbolique : c’est dans la galerie des Glaces où est proclamé l’Empire allemand en 1871, que se réunissent les signataires alliés et allemands.
Depuis 1871, la galerie des Glaces cristallise les tensions franco-allemandes. À partir des années 1900, Versailles devient une véritable destination touristique, prisée par un public international. La renaissance du domaine de Versailles entreprise par le conservateur Pierre de Nolhac se poursuit grâce aux restaurations permises par les donations de John D. Rockefeller, en 1924 et en 1927.
30 janvier 1933 : en Allemagne, Adolf Hitler accède à la Chancellerie de la République de Weimar
Dans les années 1930, de nombreux pays d’Europe connaissent un essor des mouvements nationalistes. En Allemagne, le parti nazi arrive au pouvoir. A sa tête, Adolf Hitler accuse le Traité de Versailles d’avoir enchaîné le citoyen allemand.
En France, comme dans d’autres pays européens, on se prépare discrètement à une nouvelle guerre. Dans les musées nationaux se met progressivement en place le programme de « défense passive », en vue de protéger les collections nationales.
1933 : le Ministère des Beaux-Arts demande à tous les musées franciliens d’établir des listes d’évacuation de leurs œuvres en cas de conflit.
L’opération est supervisée par Jacques Jaujard, sous-directeur des musées nationaux. A Versailles, Charles Mauricheau-Beaupré commence à dresser un premier plan. En septembre 1933, il remet à Jacques Jaujard un rapport d’une vingtaine de pages. En 1935, l’architecte en chef Patrice Bonnet remet ses premières conclusions à la direction des Beaux-Arts.
Dès le milieu des années 30, la guerre semble de plus en plus inévitable. A Versailles, Patrice Bonnet alerte sur le manque de moyens humains en cas de mobilisation, et sur les risques d’attaques aériennes du château. La proximité de cibles militaires, comme le camp de Satory, le rend selon lui vulnérable en cas de bombardement. L’architecte insiste sur le symbole que peut représenter ce lieu aux yeux des autorités allemandes. Dans son rapport, il préconise notamment la construction d’un abri destiné au personnel (pouvant contenir environ 60 personnes) sous la Cour royale.
De son côté, Charles Mauricheau-Beaupré s’enquiert auprès de la Direction des musées des mesures de protection à observer en cas de conflit.
“ Monsieur le Directeur. Vous nous aviez demandé au cours de l’été 1933 un rapport sur l’évacuation du Musée de Versailles, que je vous avais remis directement dans le courant du mois de septembre de la même année (…). Dans la conjoncture présente, nous aimerions savoir où en vont les choses, connaître les propositions faites (…) et avoir des directives, et même des ordres précis sur ce qu’il conviendrait de faire le cas échéant. ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Jacques Jaujard, 13 mars 1936
Dès l’été 1936, la Direction des musées nationaux travaille à la prospection de bâtiments susceptibles d’abriter les œuvres évacuées. Si de nombreux noms circulent – dont celui du château de Chambord – chacun reconnaît la nécessité de conserver ces lieux secrets.
À la faveur de l’organisation de l’exposition Universelle qui se tient à Paris du 25 mai au 25 novembre 1937, le château de Versailles franchit la barre symbolique du million de visiteurs.
21 juillet 1938 : visite officielle à Versailles des souverains britanniques.
Dans ce contexte politique troublé, les souverains britanniques se rendent en France, et notamment à Versailles en juillet 1938. À cette occasion, le roi George VI et la reine consort Elizabeth sont invités par le président de la République Albert Lebrun à dîner dans la galerie des Glaces.
Juillet 1938 : Gaston Brière quitte ses fonctions de conservateur en chef du musée national de Versailles.
Il est remplacé par Pierre Ladoué, ancien conservateur-adjoint du musée du Luxembourg.
Crise des Sudètes
A la fin de l’été 1938, la crise des Sudètes fait craindre le déclenchement d’une nouvelle guerre. Dans une grande précipitation, les musées lancent leur programme d’évacuation : le musée du Louvre évacue la Joconde de Léonard de Vinci au château de Chambord. A Versailles, on commande en septembre 20 000 sacs de sable supplémentaires pour calfeutrer le bâtiment. En cas d’aggravation du conflit, les musées ont reçu l’ordre de fermer leurs portes au public.
24 septembre 1938 : installation de mitrailleuses de défense anti-aérienne (DCA) sur les toits du château
30 septembre 1938 : signature des Accords de Munich
Le 30 septembre 1938, les Accords de Munich sont signés, mettant fin à la crise des Sudètes. La guerre est évitée, l’heure est désormais au bilan. Au château de Versailles, le verdict est sans appel : aucune œuvre n’a pu quitter les lieux, le personnel a manqué de matériel et de main d’œuvre. Ces difficultés amènent Pierre Ladoué et Patrice Bonnet à revoir leurs programmes respectifs. D’importantes divergences naissent entre les deux hommes, le conservateur reprochant à l’architecte de ne pas avoir suffisamment préparé les abris destinés au personnel et aux œuvres d’art. Patrice Bonnet, de son côté, critique vivement l’installation de batteries DCA sur les toits du château…
“ On n’agirait pas autrement si l’on voulait fournir d’avance des prétextes à la destruction du palais de Versailles et l’on serait véritablement mal venu plus tard à élever des protestations internationales si l’on commence, dès avant la déclaration de guerre, à se servir des toitures de Versailles comme nid à mitrailleuses. ”
Rapport de Patrice Bonnet au directeur général des Beaux-Arts, Versailles, 2 décembre 1938. Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine
Début 1939 : la Direction des musées nationaux entérine le projet d’abri souterrain proposé par Patrice Bonnet. Le projet validé est celui d’une galerie bétonnée creusée sous la statue équestre de Louis XIV, traversant ainsi la cour d’Honneur du nord au sud.
La Direction des Musées nationaux effectue des voyages de repérage dans des châteaux du territoire national, pour prévoir l’évacuation des œuvres en cas de conflit.
5 avril 1939 : réélection d’Albert Lebrun à la présidence de la République française
5 mai 1939 : inauguration de l’exposition « A Versailles en 1789 »
Au printemps 1939 s’ouvre l’exposition « A Versailles en 1789 », à l’occasion du 150ème anniversaire de la Révolution française. Le président Albert Lebrun, fraîchement réélu, inaugure solennellement l’exposition. La salle du Jeu de paume est réaménagée, l’appartement de Madame de Maintenon – qui accueille l’exposition – est entièrement repeint.
Malgré ces festivités, les réflexions sur la protection des œuvres d’art continuent d’être menées.
20-21 mai 1939 : premiers essais d’extinction et calfeutrage des lumières dans la ville de Versailles
5 août 1939 : un rapport sur les « Mesures prises dans les musées nationaux en vue de la sauvegarde des collections nationales en temps de guerre » est remis au Ministre.
Moins d’un an après la crise de Munich, l’heure n’est plus à l’imprécision dans les musées nationaux. Chaque institution reçoit le matériel nécessaire à l’emballage des œuvres et de nombreuses consignes, tant pour les œuvres restées sur place que pour celles à évacuer dans les dépôts.
les musées nationaux, dont celui de Versailles, ferment leurs portes au public
En cette fin août 1939, les musées ferment leurs portes, et procèdent à l’emballage des œuvres en vue de leur évacuation dans les lieux de dépôts identifiés. Le 28 août, le musée du Louvre évacue la Joconde de Léonard de Vinci au château de Chambord. Le 29 août, le château de Versailles fait évacuer une partie de ses collections par camions en direction des châteaux de Brissac et de Chambord.
“ Le 29 août [1939], sept voitures de déménagement partirent pour Chambord. Quatre autres, le 2 septembre. Deux camions s’acheminèrent vers Brissac, le 7 octobre. Ils emportaient au total 494 tableaux, dont 283 en caisses, 32 tapisseries et tapis, 52 tentures, 85 objets d’art, 32 pièces de mobiliers, au nombre desquelles les pendules monumentales de Passement-Caffieri et de Morand, ainsi que des meubles de grandes dimensions, particulièrement précieux, tels le Bureau de Louis XVI et le serre-bijoux de Marie-Antoinette […] ”
Pierre Ladoué, conservateur en chef du château de Versailles, Et Versailles fut sauvegardé, 1960
Un certain nombre d’œuvres restent néanmoins stockées sur place, notamment à l’Orangerie.
1er septembre 1939 : la France annonce la mobilisation générale.
La mobilisation nationale prive le château d’une partie de son personnel. Seuls les gardiens invalides, souvent anciens soldats de la Première Guerre mondiale, restent à Versailles aux côtés de Pierre Ladoué, Charles Mauricheau-Beaupré et Patrice Bonnet.
La France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne
Dès l’entrée en guerre, Patrice Bonnet déclenche son plan de défense passive. Au cours du mois de septembre, le parc est fermé au public et les œuvres qu’il contient (statues, vases, plombs dorés du Bosquet de la Salle du Bal…) sont mis à l’abri à l’Orangerie ou bien évacués dans le parc de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, comme la statue du bassin de Latone.
Septembre 1939 : édification d’abris pour le personnel du château.
Faute d’avoir pu construire un abri sous la Cour de marbre, l’architecte Patrice Bonnet édifie un premier abri, un « blockhaus de sacs à terre » sur les terrasses. Le deuxième abri se trouve sous la voûte du bosquet de la Salle de Bal, dont la capacité d’accueil est de 300 personnes. A la fin du mois, un nouvel abri est aménagé dans la grotte du bosquet des Bains d’Apollon, à l’arrière du groupe sculpté.
4 octobre 1939 : le Grand Canal est asséché
Le Ministère de la Guerre demande le camouflage des principaux points d’eau du château, qui constituent des repères pour les aviateurs ennemis. Pendant plusieurs jours, le Grand Canal est asséché, les bassins vidés. Seule la Pièce d’Eau des Suisses est laissée en eaux.
“ Nous roulons en ce moment sous un tunnel dont la longueur est inconnue et qui débouchera sur quel paysage ? C’est le secret de Dieu. Prenons patience et gardons confiance en de meilleurs jours, plus tard… ”
Pierre Ladoué, conservateur en chef du château de Versailles à Gaston Brière, ancien conservateur du château, en charge du dépôt de Brissac, Versailles, le 5 octobre 1939
Pendant plusieurs mois, le château vit refermé sur lui-même, privé d’une partie de ses collections et de ses décors. Pour les œuvres intransportables, comme les peintures marouflées, on fait le choix de les laisser sur place. En pleine « drôle de guerre », on questionne l’intérêt de garder le lieu fermé, beaucoup réclamant d’ailleurs sa réouverture. En coulisses, des dissensions se font de plus en plus sentir entre le conservateur et l’architecte en chef.
7 octobre 1939
Au début du mois d’octobre, plusieurs centaines d’œuvres ont déjà quitté le musée : 494 tableaux, 32 tapisseries et tapis, 85 objets d’art, 52 rideaux ou tentures, 32 pièces de mobilier (au total : 695 œuvres).
Automne 1939 : les fenêtres du château sont obstruées
A l’intérieur du château, on obture les larges entrées de la galerie des Glaces par d’épais murs de briques. Les décors sculptés sont démontés, numérotés et emballés ; les cheminées – intransportables – sont ignifugées. Afin de parer à d’éventuels bombardements, les fenêtres donnant sur la ville et sur les jardins sont obstruées par d’épais panneaux de bois munis de boucliers pare-feu, renforcés par des sacs de sable. A l’automne 1939, le château de Versailles plonge dans l’obscurité.
“ Le château achève de prendre sa tenue de guerre. C’est affreux. Les feuilles tombent dans le parc, recouvrant les socles vides. Et les boiseries quittent peu à peu les murailles. On erre aux lanternes, car toutes les fenêtres sont aveuglées, dans ces salles aux parois lamentables que couronnent les plafonds dorés … (…) Nous vous souhaitons à tous deux le courage qu’il faut, en ces jours âpres. Des temps meilleurs viendront, c’est certain. ”
Pierre Ladoué, conservateur du château de Versailles à Gaston Brière, Versailles, 5 octobre 1939
Novembre 1939 : les premières caisses de boiseries quittent le château par camions
Patrice Bonnet requiert l’ouverture d’un crédit supplémentaire auprès de la Direction générale des Beaux-Arts. Cette dernière refuse et demande à l’architecte de revoir ses plans, et de mettre un terme aux déposes de boiseries. L’architecte reconnaît la précipitation dans laquelle les premières opérations ont été faites, en l’absence d’un programme précis, et plaide l’urgence de la situation.
“ Une erreur d’appréciation pourra encore s’accuser [s’excuser] si aucun bombardement ne vient altérer ni détruire Versailles, mais aucune insuffisance d’initiative ne pourrait être pardonnée dans le cas contraire. ”
Patrice Bonnet au directeur général des Beaux-Arts, février 1940
24 novembre 1939 : Le Figaro, « Versailles rayé de ce monde » La presse française porte un regard de plus en plus critique sur les mesures de de défense passive mises en place à Versailles. De nombreuses voix dénoncent la fermeture du château et du domaine et déplorent la dégradation des lieux. Le coup de grâce est porté par Le Figaro qui publie le 24 novembre une tribune remettant en cause le bien-fondé des mesures de protection.
9 décembre 1939 Face aux accusations de plus en plus virulentes, Patrice Bonnet répond par voie de presse, dans le magazine L’Illustration. Il insiste sur la perte irrémédiable que constituerait la destruction des œuvres du musée, que « les mains de notre époque, aussi habiles fussent-elles, seraient incapables de refaire ».
Hiver 1939/1940A l’hiver 1939, le château n’est plus chauffé. Les carreaux des fenêtres, qui ont été retirés pour permettre l’installation de sacs de terre, laissent passer le froid à l’intérieur : il gèle dans plusieurs pièces du musée. Au début de l’année 1940, le dégel entraîne de graves dégâts : les plafonds se percent et l’eau ruisselle sur les murs et sur les tableaux, notamment dans la galerie des Batailles.
27 mars 1940 : on fait évacuer les boiseries de la Chambre de la Reine, du cabinet de la Pendule et du Cabinet du Conseil.
10 mai 1940 : fin de la « drôle de guerre »
En mai 1940, devant l’avancée des troupes allemandes, la population française fuit vers le sud. A Versailles, une douzaine de gardiens restés en poste quittent le château et se replient à Brissac avec leurs familles. Les effectifs restant sur place sont répartis sur le domaine : Ladoué et Bonnet sont en poste au château, tandis que Mauricheau-Beaupré assure la surveillance du Grand et du Petit Trianon ; ils bénéficient encore de l’aide d’une vingtaine de gardiens, encore présents. Mais un vent de panique souffle sur Versailles …
3 juin 1940 : l’aviation allemande bombarde Versailles. Trois obus tombent à proximité de l’Opéra royal, dans l’Avenue de Paris, et dans la rue des Réservoirs
9 juin 1940 : la majorité des agents du musée quitte Versailles et se replie vers le sud (Chambord, Brissac, Valençay)
13 juin 1940 : exode de la population versaillaise.
Le 13 juin, la ville de Versailles est déserte. Patrice Bonnet décide de quitter son poste ; au château, Pierre Ladoué reste seul maître à bord, après le départ de son adjoint Charles Mauricheau-Beaupré. Les agents se sont, en grande majorité, repliés dans des lieux loin de la capitale. Au château, ils ne sont plus que quatre hommes à défendre l’ensemble du domaine : Pierre Ladoué, Victorien Cessac, Louis Borel et Henri Dudognon.
“ Cette fois, Hitler n’aura pas les pensées de Guillaume pour ménager la ‘cité des eaux’… mortes… Que le bon génie de Louis XIV protège Versailles ! ”
Gaston Brière à Pierre Ladoué, Brissac, 5 juin 1940.
14 juin 1940 (7h) : la poudrière du camp militaire de Satory explose
la Wehrmacht entre à Versailles
“ A dix heures moins vingt, ce fut le premier acte de cette pénible et humiliante occupation qui allait durer plus de quatre interminables années. Dans un bruit assourdissant d’explosions et de martèlement de chenilles, les motorisés et les blindés de l’orgueilleuse Wehrmacht surgissaient sur les deux principales avenues de la ville de Louis XIV. ”
Marcel Petit, L’occupation et la libération de Versailles, Les Editions du Choix français.
Les troupes allemandes hissent le drapeau à croix gammée sur les toits du château© Atelier des Archives
15 juin 1940 : le drapeau à croix gammée flotte au-dessus de Versailles.Victorien Cessac, l’un des gardiens, est sommé par les soldats allemands de les escorter au sommet du château pour hisser le drapeau à croix gammée sur les toits.
“ La Place d’Armes se couvrait de soldats en vert, dont la foule grossissait de minute en minute et qu’on a évaluée à 10 000 hommes. Comme une mer mouvante, ils battaient les grilles de la cour d’honneur du château (…). Bientôt, ils finirent par s’impatienter de voir ces grilles fermées et ils se mirent à ébranler les portes avec fureur. ”
Marcel Petit, L’Occupation et la Libération de Versailles, Les Editions du Choix français.
16 juin 1940 : Philippe Pétain est nommé président du Conseil
18 juin 1940 : appel du général de Gaulle.Le jour de l’appel du général de Gaulle, les Allemands installent des batteries de DCA dans les jardins du château. Le domaine de Versailles se militarise peu à peu…
22 juin 1940 : Philippe Pétain signe l’armistice avec l’Allemagne
27 juin 1940 : la Kommandantur s’installe à l’Hôtel de Ville de Versailles
1er juillet 1940 : Joseph Goebbels visite le château et le Grand Trianon.
Tout au long de l’été 1940, les troupes allemandes se rendent en très grand nombre au château de Versailles. Les soldats se pressent pour découvrir les salles historiques, notamment la célèbre galerie des Glaces. Dans l’Orangerie, dans les jardins, sur les terrasses, dans les Grands appartements, les soldats se photographient, seuls ou en groupe.
“ Versailles ne nous appartient plus. ”
Pierre Ladoué à Gaston Brière, Versailles, 21 juillet 1940.
Versailles étant déclarée « ville ouverte », la Wehrmacht y prend ses quartiers, notamment dans les Grandes et Petites Ecuries. La vie reprend son cours, mais sous domination allemande. Dans les rues, les panneaux sont désormais bilingues.
5 juillet 1940 : un concert et une marche aux flambeaux sont organisés dans la cour d’Honneur
11 juillet 1940 : Philippe Pétain annonce à la radio son souhait de déplacer son gouvernement à Versailles.Son installation est d’abord envisagée au sein même du château ou au Grand Trianon.
Juillet 1940Dès les premières heures de l’occupation allemande, Versailles fait l’objet de dégradations commises par certains soldats. Au fil des jours, Pierre Ladoué alerte sur les dégâts perpétrés par ces derniers : toiles lacérées, poignées de porte dévissées, vols … Suite aux plaintes répétées du conservateur, la Kommandantur procède à la mise en place de pancartes en français et allemand au sein du circuit. Dès lors, les dégradations se font de moins en moins nombreuses.Patrice Bonnet et Charles Mauricheau-Beaupré sont de retour à Versailles.
Août 1940En août, le francophile et conservateur allemand Franz Graf Wolff Metternich, prend la direction du Kunstschutz, la Commission de protection des œuvres d’art dans les territoires occupés. Dès son arrivée à Paris, il travaille aux côtés de Jacques Jaujard, désormais directeur des musées nationaux. Une relation de confiance mutuelle s’installe et contribue à la préservation des collections nationales.
29 septembre 1940 : l’architecte en chef du château de Versailles, Patrice Bonnet, doit quitter ses fonctions à Versailles, où il est remplacé par son confrère André Japy.
7 octobre 1940 : Pierre Ladoué, conservateur en chef du château de Versailles, quitte ses fonctions. Il est remplacé par son adjoint, Charles Mauricheau-Beaupré.
Ces nouvelles nominations à la direction du château sont en partie motivées par les autorités allemandes. Dès leur arrivée, celles-ci se plaignent de l’état de dénuement du château : les salles sont vides, les œuvres exilées, les jardins sont méconnaissables. Les autorités font pression sur Jacques Jaujard, mais surtout André Japy et Charles Mauricheau-Beaupré : elles souhaitent une remise en état du château et de son domaine.
Octobre 1940C’est finalement près de l’hôtel « Trianon Palace » qu’on aménage une villa pour le maréchal Pétain. Mais les difficultés logistiques sont nombreuses, et les critiques que soulève ce projet ne font que retarder son installation dans l’ancienne cité royale, désapprouvée par les autorités allemandes.
Nuit du 25 au 26 octobre : un Heinkell 111 allemand s’écrase dans la Plaine aux Crapauds, dans le domaine de Trianon, ne laissant aucun survivant.
Décembre 1940 : essuyant un refus de la part des autorités allemandes, le maréchal Pétain renonce à s’installer à Versailles avec son gouvernement. Le gouvernement reste donc à Vichy, en zone libre.
Janvier 1941 : André Japy commence à supprimer les aménagements de défense passive dans la galerie des Glaces
Alors que l’on s’attelle à la remise en état du château, le dégel engendre de gros dégâts dans les attiques : l’eau s’infiltre par les toits, traverse les plafonds et se déverse jusqu’au rez-de-chaussée. La galerie des Batailles, dont les toiles sont presque toutes restées en place, subit les aléas climatiques de cet hiver rigoureux.
“ J’ai l’honneur de vous informer qu’en raison du brusque changement de température qui vient de succéder à une longue période de gelée et à des chutes de neige, des accidents viennent de se produire dans plusieurs musées, notamment à Versailles […] L’impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés malgré les démarches nombreuses, d’obtenir les livraisons de combustible nécessaire au chauffage de ces établissements n’a fait qu’aggraver évidemment les conséquences des conditions atmosphériques de ces dernières semaines… ”
Jacques Jaujard, directeur du Louvre et des musées nationaux, au directeur général des Beaux-Arts, Paris, 25 janvier 1941
30 janvier 1941 : Jacques Jaujard demande à Charles Mauricheau-Beaupré de rédiger un programme de « réinstallation du musée de Versailles ».Le conservateur doit désormais s’atteler à un vaste programme de réorganisation du musée. Selon lui, l’absence d’une grande partie des collections est l’occasion de repenser entièrement l’institution, et de lui donner une nouvelle orientation.
“ Le Musée de Versailles ne s’adresse pas uniquement aux savants, aux érudits ; avant tout, il doit montrer à nos enfants et aux étrangers tout le déroulement de notre histoire. C’est seulement ainsi que la leçon est saisissante. […] L’orientation nouvelle et l’importance donnée par le chef de l’Etat à l’enseignement de l’Histoire incitent de remettre en honneur les grandes compositions historiques des peintres romantiques. Si parfois leur intérêt documentaire est faible, leur valeur éducative reste toujours grande. ”
Charles Mauricheau-Beaupré, rapport sur la réorganisation du Musée de Versailles et la présentation des appartements du château et des Trianons, Versailles, 24 mars 1941
Printemps 1941 : travaux de remise en état du parcAndré Japy achève le retour des statues, entreposées à l’automne 1939 dans le parc de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, qui retrouvent peu à peu leur emplacement d’origine. Dans les jardins, il faut nettoyer les allées, désormais encombrées de feuilles mortes et de hautes herbes.
“ Le successeur de M. Bonnet travaille dès maintenant au rapatriement des diverses œuvres et à leur remise en place. Celle-ci sera facilitée, d’ailleurs, par l’ordre et la méthode employés au cours des opérations précédentes. Nous reverrons les statues de marbre, de bronze, de plomb chères à notre cœur, qui décoraient les parterres, les bosquets et fontaines ; dans la galerie entre les plus célèbres, l’éclat des miroirs, des marbres, des bronzes. Versailles, aimé des artistes et des poètes, nous sera rendu pour que nous l’aimions et admirions si possible davantage encore. ”
Henri Puvis de Chavanne, « Versailles et la guerre », Beaux-Arts, Le Journal Des Arts, 10 janvier 1941
1er juin 1941 : une partie du château rouvre au grand public, dans l’aile nord du palaisCharles Mauricheau-Beaupré entreprend la réouverture d’une partie du musée au public français, comprenant les salles du XVIIe siècle, dix nouvelles salles dédiées au XIXe et une petite salle consacrée à quelques figures de la dernière guerre. Les Grands Appartements, quant à eux, ne sont accessibles qu’aux soldats allemands. Les guides de visite en allemand, victimes de leur succès, sont spécialement réédités.
10 août 1941 : les bosquets rouvrent au grand publicSi le « petit Parc » rouvre au public, le Grand Parc quant à lui, est victime des arrade hautes herbes et ses berges s’écroulent, faute d’entretien suffisant.
27 août 1941 : le résistant Paul Colette tire sur Pierre LavalLors d’un déplacement à la caserne militaire Borgnis-Desbordes, Paul Collette commet un attentat sur Pierre Laval, ancien vice-président du Conseil du gouvernement de Vichy, qui en ressort blessé. L’atmosphère se tend à Versailles, comme partout en Europe : la Luftwaffe est de plus en plus présente dans le ciel européen. Au château, on craint les bombardements…
Automne 1941 : faute de personnel, le Petit Trianon ferme au publicL’état du château se dégrade, et la situation du personnel resté sur place est problématique. A l’approche de l’hiver, aucune livraison de charbon n’est prévue ; faute de combustible, les rondes de nuit s’effectuent le plus souvent dans la pénombre la plus totale…
Janvier 1942 : le dégel entraîne de nouveaux dégâts dans l’attique Nord. Les tableaux sont décrochés, l’attique est fermé.Lorsque les peintures ne souffrent pas du froid, elles subissent l’humidité et le manque de luminosité dû aux panneaux de bois posés devant les fenêtres. L’eau ruisselle, les chéneaux sont bouchés ; le plafond de la chambre de Madame de Pompadour menace de céder … Au printemps 1942, Charles Mauricheau-Beaupré dresse un rapport alarmiste sur l’état des collections, tout en poursuivant la remise en état des lieux.
“ L’eau tombe, on peut le dire, dans tout le château, à travers les plafonds et par les verrières, produisant pour les collections qu’il renferme des dommages dont on ne peut encore mesurer l’importance. ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Jacques Jaujard, 31 janvier 1942
2 au 3 mars 1942 : chute des verrières de l’attique Chimay, de celles du Midi, et de celles de la salle du Jeu de paume
3 mars 1942 : rapatriement du portrait du maréchal Pétain par André Devambez depuis le dépôt de Sourches.Présent dans les collections du château depuis 1931, le portrait du maréchal Pétain, en dépôt au château de Sourches, est rapatrié au château de Versailles à la demande de Charles Mauricheau-Beaupré. Le conservateur le fait réencadrer dans une large bordure dorée ornée de la francisque et des armes du maréchal. En juin, le portrait est installé dans l’enfilade de la galerie de l’aile du Nord.
Nuit du 5 au 6 mars 1942 : effondrement du médaillon central du plafond de la salle des Gardes de la Reine.Depuis plusieurs mois, Charles Mauricheau-Beaupré alerte la direction des musées nationaux sur le risque que font courir les nombreux tirs de DCA, effectués par les soldats allemands depuis les terrasses du château. Dans la nuit 2 au 3 mars 1942, les verrières de l’attique Chimay et celles du Midi s’effondrent. Deux jours plus tard, c’est au tour d’une partie du plafond peint de la salle des Gardes de la Reine. En mai 1942, une analyse poussée des plafonds des Grands Appartements révèle les risques imminents d’effondrement.
Eté 1942Le conservateur continue de mener son projet de réorganisation de Versailles et d’enrichir les collections du musée, à la faveur d’acquisitions et de dons. Il travaille également à la préparation d’une exposition sur Napoléon.
“ Nous devons mettre à profit la fermeture forcée actuelle, pour des restaurations de cette sorte qui deviendront si délicates à tous égards – y compris leur répercussion dans l’opinion – quand il deviendra indispensable de rouvrir les Grands Appartements et de laisser visiter le château. ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Jacques Jaujard, Versailles, 26 septembre 1942
Faute de main d’œuvre disponible, on fait débroussailler l’extrémité du parc par des moutons, notamment aux abords du Grand Canal.
11 novembre 1942 : les troupes allemandes envahissent la zone libre ; Hitler accepte officiellement l’installation du maréchal Pétain à Versailles, qui ne donne pas suite à cette invitation.
Janvier 1943Le château entame son troisième hiver sans chauffage. A l’intérieur, les plafonds menacent toujours ruine. Durant ces mois d’hiver, une quarantaine de toiles entreposées au Trianon sont rapatriées au château, en raison de mauvaises conditions de conservation.
13 janvier 1943 : Hitler annonce l’engagement de l’Allemagne dans une « guerre totale »En France, l’Occupation se durcit. A Versailles, la militarisation du domaine s’accentue, alors que le parc reste ouvert au public. Les autorités allemandes prévoient l’installation de plateformes de lancement dans le domaine de Trianon ; le parc est régulièrement défiguré par la circulation d’engins militaires, qui endommagent considérablement les allées. En raison des risques de bombardement, le préfet recommande à Charles Mauricheau-Beaupré de limiter le nombre de visiteurs aux places disponibles dans les abris.
“ On demeure atterré et mon pessimisme naturel est dépassé par les événements car je n’aurais pas cru que nous puissions descendre plus bas dans la honte qu’en juin 1940. Enfin, il faut se taire et attendre en serrant les poings l’heure qui sonnera bien où notre pays reprendra le fil de son histoire et saura se refaire un destin digne de son passé. Je m’enfouis dans cet espoir, en essayant de ne plus pense, tel Candide, dans les travaux de notre beau jardin versaillais. ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Gaston Brière, Versailles, 20 janvier 1943
Aux dangers du ciel s’ajoute la faim, qui n’épargne pas les agents du château de Versailles. La malnutrition et les difficultés d’approvisionnement les poussent à exploiter la moindre parcelle de terre du domaine.
“ Ici la seule chose qui nous empêche de mourir de faim, ce sont les jardins. Ce qu’on peut acheter au marché ou rien, c’est à peu près la même chose… ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Gaston Brière, Versailles, 28 janvier 1943
“ Le médecin m’adjure de « tout quitter pour mieux assurer notre ravitaillement » qui est lamentable. S’il y a dans votre région quelque expéditeur de colis de bonne volonté, je payerai beurre ou viande ou n’importe quoi, ou n’importe quelle matière grasse : nous sommes usés jusqu’à la corde. ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Gaston Brière, Versailles, 26 mars 1943
15 mars 1943 : visite au château de Hermann Goering, qui en effectue plusieurs au cours de l’Occupation, mais toujours de façon incognito
3 juin 1943 : l’Orangerie accueille la célébration de la Fête des Mères, mise à l’honneur par le régime de Vichy
19 June 1943 : la Luftwaffe installe un poste de DCA sur la toiture de la Grande Ecurie
22 juin 1943 : une rupture de canalisation entraîne une importante fuite d’eau au-dessus de la salle du Sacre
Le domaine de Versailles se militarise de plus en plus, et le château continue autant à souffrir des mauvaises conditions climatiques des derniers hivers que de la présence en nombre des soldats allemands. En raison de ce constat, les plus hautes personnalités politiques françaises en appellent à la bienveillance des autorités allemandes.
“ Etant donné la place que tient le palais de Versailles dans le patrimoine artistique de la France, j’ai l’honneur d’appeler votre bienveillante attention sur l’intérêt qu’il y a à ce que le Domaine national soit sauvegardé et exempt de toute réquisition. ”
Louis Hautecoeur au président de la Commission allemande, 24 juin 1943
23 février 1944 : la Gestapo effectue une descente à Trianon
La police mène une perquisition de près de deux heures au domicile du conservateur en chef, située au Grand Trianon, suspectant le fils de Charles Mauricheau-Beaupré, Jean, d’appartenir à la Résistance. Ce dernier fait en effet partie de réseaux résistants, mais a pu fuir avant l’arrivée de la police allemande.
Nuit du 26 au 27 avril 1944 : un projectile en feu s’écrase dans la cour du château, devant le pavillon de l’Aile des Ministres sud.
la ville de Versailles est bombardée
Dans la ville, les alertes sont quasiment quotidiennes. On craint les bombardements, d’autant que la présence des batteries DCA dans le domaine en accentue les risques. Dans la soirée du 4 juin 1944, vers 20h15, l’aviation anglo-américaine survole et bombarde Versailles. Si les Alliés visent initialement les infrastructures – notamment les gares – de nombreux obus causent des dommages aux alentours du château : dans le quartier Saint-Louis, à la gare des Matelots et sur la route de St-Cyr. Près de 50 bombes atterrissent dans le parc, affectant encore davantage les berges du Grand Canal.
débarquement des Alliés en Normandie
Nuit du 7 au 8 juin 1944 : nouveaux bombardements au-dessus de Versailles. La commune voisine de Saint-Cyr subit de nombreuses destructions
Face au danger, Charles Mauricheau-Beaupré instaure un nouveau plan de sauvetage des œuvres. Les bassins à proximité du château et des châteaux de Trianon sont remplis d’eau, afin de parer aux menaces en cas d’incendies.Les troupes de la Wehrmacht, quant à elles, continuent leurs incursions dans le parc de Versailles.
“ C’est un vrai désastre, car les chars et les tanks ont pénétré dans les massifs forestiers, brisant tout sur leur passage et défonçant les allées. D’autre part, de nombreux arbres de ligne ont été coupés à un mètre du sol par les soldats de l’armée d’Occupation. ”
Rapport de l’adjudant Pierre Lasal à André Japy, Versailles, 20 juin 1944
15 juin 1944 : mort du gardien du musée Yves le Foll, tué lors d’un bombardement à Saint-Cyr par l’aviation alliée
22 juin 1944 : la ville de Saint-Cyr est de nouveau bombardée
Le 23 juin, Charles Mauricheau-Beaupré fait célébrer une messe à la mémoire d’Yves Le Foll à la cathédrale Saint-Louis de Versailles. La chapelle de l’école militaire de Saint-Cyr est complètement détruite, mais on parvient néanmoins à sauver un coffret contenant les ossements de Madame de Maintenon.
“ J’ai aussitôt fait porter le tout à la chapelle où j’ai improvisé un sarcophage dans la chapelle St-Louis. Mais quelle étrange destinée que celle de cette femme qui, après la mort, résiste aux bombes et revient comme si c’était tout naturel dans ce palais où un cadavre ne devait pas rester plus d’une minute ! Vraiment, elle est faite pour toutes les situations d’exception. ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Gaston Brière, Versailles, 12 juillet 1944
la ville de Versailles est bombardée
Les bombardements de l’aviation britannique visent principalement les infrastructures. A Versailles, la gare des Chantiers est pilonnée en juin 1944 : plus de 220 personnes y trouvent la mort le 24 juin, et 250 le 29 juin.
Juillet 1944 : une tranchée-abri est creusée dans le parc de Trianon, afin de protéger la population des bombardements
Alors que les bombardements alliés se font de plus en plus fréquents au cours du mois d’août, les troupes allemandes stationnent leurs véhicules dans le parc, malgré les contestations de Charles Mauricheau-Beaupré et d’André Japy. Les soldats allemands coupent les branchages du parc afin de camoufler leur présence ; la population locale tire profit de ces coupes en subtilisant le bois non utilisé. L’approvisionnement en matières premières demeure un problème vital pour la population versaillaise.
11 août 1944 : Jean-Baptiste Faucher, l’un des gardiens versaillais en poste au dépôt du château de Brissac est tué à bout portant par des Allemands
12 août 1944 : l’accès ferroviaire reliant à Paris est bloqué
17 août 1944 : le maire et l’évêque de Versailles lancent un appel officiel aux troupes allemandes
“ Au moment où la zone des combats se déplace en direction de Versailles, les Autorités civiles et religieuses de la ville historique qui vit l’apogée de la monarchie (…) adressent aux belligérants un suprême appel. Elles leur demandent de considérer Versailles comme ville ouverte, de respecter les incomparables trésors d’art de ses palais et de ses jardins. Par son histoire, par son âme, Versailles incarne le passé. Toute une civilisation y trouve son expression. L’histoire des peuples s’y croise. La destruction de tant de richesses, de tant d’élégance serait pour l’humanité une perte irréparable. Ni les armées allemandes qui se souviennent que c’est à Versailles que fut scellée l’unité de l’Empire allemand, ni les armées américaines qui n’oublient pas que c’est à Versailles que fut consacrée l’Indépendance des Etats-Unis, ne voudront assurer devant le jugement de l’Histoire une aussi écrasante responsabilité. ”
Mgr Roland-Gosselin, Pierre Revilliod, Gaston Henri-Haye et François Fourcault de Pavant, Appel aux belligérants, 17 août 1944
Fin août 1944 : les derniers convois allemands quittent Versailles
24 août 1944 : dans la nuit, le gardien Charles Troussard aide Charles Mauricheau-Beaupré à cacher des officiers français à l’intérieur du château
25 août 1944 : en partant, les troupes allemandes mitraillent en rafale la façade sud-est du château
Les balles brisent quelques vitres, certaines se logent dans les murs en pierre. Malgré tout, le château ne subit aucun dégât d’importance. Arrivée des chars du général Leclerc : Versailles est libérée après 1500 jours d’occupation.A l’arrivée des troupes alliées, le gardien Victorien Cessac, qui avait été sommé d’escorter des troupes allemandes pour hisser le drapeau à croix gammée sur les toits en juin 1940, lève à présent le drapeau tricolore sur le château.
Après les troupes allemandes, le château voit déambuler les soldats britanniques et américains, qui parcourent à leur tour les salles encore vides.
Un vent nouveau souffle sur le domaine de Versailles, rapidement investi par les soldats américains. Le commandant en chef des forces américaines, Dwight Eisenhower s’installe dans la ville. Dans le même temps, les membres du service allié de protection des œuvres d’art, les Monuments Men, font leur apparition.
10 septembre 1944 : Mgr Spellman, archevêque de New-York, célèbre une messe dans la Chapelle royale.
10 septembre 1944 : Fred Astaire et Dinah Shore se produisent dans les jardins du château de Versailles
31 janvier 1945 : Charles Mauricheau-Beaupré alerte sur l’état de dégradation avancé du château et des collections, qui ont subi les aléas climatiques et le manque de chauffage.
“ A la date du 31 janvier 1945, l’eau des fuites de la toiture s’est introduite : dans la galerie des Batailles où elle a ruisselé et s’est gelée ensuite sur trois grands tableaux : Marignan, Calais, Dunkerque. ”
Charles Mauricheau-Beaupré à Georges Salles, Versailles, 9 février 1945
capitulation de l’Allemagne
Mai 1945 : premiers retours des œuvres entreposées au château de Brissac
Dans le parc, les visites se multiplient, les soldats prennent leurs quartiers, sous l’œil parfois inquiet des autorités françaises…
“ Mon attention a été appelée par Monsieur Mauricheau-Beaupré […] sur différents incidents regrettables, dus à la turbulence des militaires américains et qui se sont produits dans le Parc du Château au cours de ces dernières semaines […] le 20 juillet, plusieurs soldats sont montés sur un des grands vases décoratifs du parterre du Midi, chef-d’œuvre de Bertin, ce vase en marbre s’est effondré sous leur poids […] ”
Le Directeur des musées de France au préfet de Seine-et-Oise, 7 août 1945
15 juin 1945 : ouverture de la première exposition depuis 1939, Les Artistes suédois en France au XVIIIe siècle, qui attire plusieurs milliers de visiteurs.
A la Libération, une partie du musée reste ouverte au public français, et Charles Mauricheau-Beaupré songe à rouvrir au plus vite les Grands Appartements. Il s’attelle à la remise en état du château, à la poursuite de son remeublement et à la remise en place de ses collections ; mais faute de main d’œuvre, une partie des œuvres revenues des dépôts restent en caisse.
Été 1945 : le New York Times organise des prises de vue sur la remise en place des œuvres du château.
2 décembre 1945 : chute d’un morceau du plafond de la galerie des Glaces
18 décembre 1945 : publication dans le journal Le Monde d’un court article sur l’état des plafonds du château
Les dernières œuvres entreposées dans les dépôts rentrent au château de Versailles en mars 1946. Malgré cela, il demeure dans un état de désolation : le bâtiment a subi le froid, et beaucoup reste encore à faire.
“ On entend déjà retentir le sinistre tocsin (que j’entendis souvent) : Versailles tombe en ruines ! … Oui Versailles est toujours fragile. C’est un château de féerie, de rêve, un théâtre d’illusions. Il ne peut vivre que par un ensemble de soins attentifs et vigilants. Les arrêts d’entretien le tuent (1789-1810…) – 1914-20 – 1940-4 ? – Et puis, avouons que le chef-d’œuvre ne revit vraiment que par l’imagination éclaircie ; tant d’altérations ont perverti ses beautés. ”
Gaston Brière à Marguerite Jallut, 14 janvier 1946
Printemps 1946 : le château rouvre progressivement, après de gros travaux de réfection et de restauration. Les bassins sont à nouveau remplis, les Grandes Eaux reprennent.
1er avril 1946 : 40 000 visiteurs arpentent le château au cours du week-end de Pâques
1er juin 1946 : Charles Mauricheau-Beaupré donne une interview au journal Le Monde sur la réorganisation du musée et sa réouverture au public
“ Nous nous sommes trouvés l'an passé devant des murs vides, des milliers de caisses à déballer, et la possibilité de procéder enfin à un reclassement général dont nous avions eu le loisir forcé de méditer les aléas au cours de la grande pénitence du musée. ”
Juillet 1946 : 60 nouvelles salles réorganisées sont officiellement présentées à la presse
10 septembre 1946 : soirée organisée au château de Versailles pour la conférence de la Paix. Lors de cette réception, la galerie des Glaces retrouve l’effervescence et la féérie d’avant-guerre.