Débuté en janvier 2020, le chantier de restauration du Boudoir de la Reine touche désormais à sa fin. Menuisiers, chaumiers, peintres décorateurs, charpentiers ou encore tailleurs de pierre ont ainsi participé à la restauration complète de l’édifice. À l’occasion de l’achèvement des travaux, Philippe Le Delliou, artisan chaumier, Sébastien Antoine, artisan menuisier, ainsi que Cathy Champion et Astrid de Chaillé, peintres décoratrices reviennent sur le travail réalisé lors de cette opération d’exception.
Les coulisses du Boudoir de la Reine
Artisan chaumier
Entretien de Philippe Le Delliou
Depuis plus de 20 ans, dont 15 ans au sein de sa propre entreprise, Philippe Le Delliou exerce en tant qu’artisan chaumier en France et à l’étranger. Sélectionné en 2015 pour la réalisation des travaux de restauration de la Ferme et de la Maison du Hameau de la Reine, Monsieur Le Delliou revient sur sa dernière entreprise, la couverture du Boudoir de la Reine, réalisée avec trois autres artisans chaumiers en 2020.
Pourriez-vous nous parler du travail que vous avez réalisé au Boudoir de la Reine ?
Etant un artisan spécialisé dans la pose de chaume, j’ai eu à reconstituer la couverture du Boudoir de la Reine. Notre plus grand défi dans cette entreprise a été d’élaborer un plan de pose compatible avec la structure en zinc, qui a été installée en-dessous du toit en chaume. Cette structure, utilisée comme pare-feu, permet d’éviter toute inflammation de la bâtisse. Nous avons ensuite procédé aux travaux de couverture. De nos jours, nous travaillons le toit avec du roseau, plus robuste et résistant que la paille et qui peut être conservé plus longtemps, jusqu’à 40 ans. Pour la pose, nous utilisons des outils modernes et une technique qui reste propre à chaque chaumier. Pour ma part, j’ai élaboré une couverture de 35 centimètres d’épaisseur. Les techniques ont ainsi évolué et se sont modernisées tout en maintenant l’objectif principal de paraître ancien.
Aviez-vous déjà travaillé pour d’autres chantiers du château de Versailles ? Si oui, en quoi les travaux du Boudoir de la Reine étaient-ils différents ?
J’ai commencé à travailler pour le Hameau de la Reine en 2015 lors du chantier de restauration de la Ferme. La principale différence entre ces deux chantiers est l’aspect à donner à la ferme qui doit paraître encore plus rustique que le Boudoir de la Reine. Dans les deux cas, il est essentiel que la couverture paraisse d’époque. Ainsi, pour le Boudoir de la Reine, nous avons vraiment travaillé sur le visuel du toit. Comme je l’ai évoqué, nous posons désormais du roseau et non de la paille comme cela se faisait au XVIIIe siècle, à l’époque de la Reine Marie-Antoinette. La finition n’est donc pas la même. Pour le Boudoir de la Reine, il a fallu jouer sur l’aspect, le visuel et la pose du roseau. Nous avons décidé, par exemple, de ne pas mettre un roseau trop fin qui peut donner un aspect trop parfait. Nous avons plutôt travaillé la pose avec des bottes de roseaux un peu tordues afin que cela donne un effet brut à la couverture. Nous avons également rajouté de la paille au-dessus du roseau pour donner l’impression que le toit était vraiment ancien.
Avez-vous un moment en particulier qui vous a marqué lors du chantier du Boudoir de la Reine ?
Quelques jours après mon arrivée sur le chantier, l’architecte en chef m’a montré des tableaux représentant les paysages du Hameau pour mieux comprendre ce qui était recherché. Cette présentation a vraiment été bénéfique pour la suite du chantier car cela m’a aidé à visualiser davantage l’aspect de la couverture souhaitée.
Qu’est-ce qui vous a rendu le plus fier lors de ce chantier de restauration ?
Cela fait maintenant 23 ans que j’exerce ce métier et travailler pour le château de Versailles est une véritable reconnaissance de mon travail. Je suis particulièrement fier d’avoir été sélectionné pour ce chantier.
Artisan menuisier
Entretien de Sébastien Antoine
Depuis plus de dix ans, Sébastien Antoine intervient sur les chantiers du château de Versailles en tant qu’artisan menuisier. Chef de chantier chargé de la menuiserie lors de la restauration du Boudoir de la Reine, Sébastien Antoine nous explique le travail réalisé avec son équipe.
Quelles ont été les grandes étapes du chantier ?
Nous avons tout d’abord déposé les boiseries murales, les fenêtres, les volets intérieurs et les portes du Boudoir de la Reine. Nous avons ensuite réalisé un important travail de restauration en menuiserie pour ces différentes parties, notamment pour les boiseries qui étaient particulièrement dégradées. Nous avons également recréé certaines parties. Par exemple, nous avons confectionné des volets intérieurs afin de préserver de la lumière extérieure les décors peints et tissus du Boudoir. Nous avons recréé à l’identique de ceux existants les volets en y reproduisant les moulures propres aux anciens volets du Boudoir de la Reine. Nous avons aussi restauré le parquet, qui avait été refait dans les années 1980. La technique de pose utilisée à l’époque – scellement des lambourdes au bitume – avait endommagé une partie du parquet qui commençait à pourrir. Nous avons donc dû refaire environ 30% de la surface du parquet. En dernier lieu, nous avons reposé à l’identique les différentes pièces de parquet et accordé les ensembles « neufs » avec ceux restaurés. Pour cela, nous avons travaillé sur différentes teintes et vieilli les pièces en bois afin qu’elles soient totalement intégrées. Lors des travaux de menuiseries, il est essentiel de respecter le monument, nous restaurons donc selon des règles et des pratiques de l’époque. Nous utilisons les mêmes types d’assemblages anciens tels que des tenons mortaises chevillers réalisés avec un bois semblable aux pièces d’époque. Enfin, nous avons également réalisé une pergola ajourée en rondins de châtaignier qui recouvre l’escalier ; unique accès du Boudoir. Afin de ne pas gêner les autres corps de métier et le bon déroulement du chantier, nous l’avons construite à la fin du chantier, directement sur place selon les plans fournis par les architectes.
Est-ce qu’il y a eu des imprévus lors de ce chantier ?
Le plus gros imprévu reste la découverte de l’état du parquet détérioré à la suite de la pose des années 1980. Lors de la dépose du parquet, indispensable à sa restauration et à l’état des lieux des dégradations, nous avons constaté un lambourdage complètement abîmé. Il a donc été nécessaire de le changer entièrement et d’utiliser un système de pose plus traditionnel grâce au scellement des lambourdes par des augets en plâtre. Ce système apporte ainsi une meilleure ventilation sous le parquet. Nous avons également rencontré un imprévu avec la pergola en châtaignier. En effet, nous voulions une fourche verticale, capable de recevoir le reste des pièces posées à l’horizontale mais aucun fournisseur ne le proposait. Nous avons donc été obligés de faire directement appel à un forestier qui nous a taillé le rondin sur pied, ce qui a demandé un peu de recherches. Nous avons ensuite retiré l’écorce du châtaigner grâce à une plane, un outil habituellement utilisé par les charpentiers. Cela était aussi très enrichissant puisque c’est un savoir-faire qui est oublié et que nous avons pu ici retrouver.
Avez-vous un souvenir en particulier de ce chantier à nous partager ?
J’ai été particulièrement marqué par la découverte de l’état du parquet et le fait de pouvoir le restaurer le plus traditionnellement possible. J’ai été fier de pouvoir ainsi prolonger la vie du Boudoir et de le faire perdurer dans le temps. L’entente et la coordination entre les autres corps de métiers étaient aussi assez exceptionnelles. Nous avons pu travailler aux côtés des décorateurs, des tailleurs de pierre, des couvreurs, des chaumiers et des jardiniers mais aussi des charpentiers qui devaient restaurer des pans de bois dégradés lors du démontage de la couverture. Les assemblages de menuiserie et de charpente sont différents, c’était donc très intéressant de pouvoir être témoin de leurs avancements et d’observer leurs techniques. Découvrir le résultat final a été un moment incroyable, nous avons pu voir les réalisations des différents corps d’état et c’était impressionnant de voir revivre le Boudoir de la Reine.
Peintres décoratrices
Entretien de Cathy Champion et d'Astrid de Chaillé
Intervenue en fin de chantier de restauration du Boudoir de la Reine, l’équipe des peintres n’a eu que cinq semaines pour réaliser l’ensemble des décors extérieurs et intérieurs de l’édifice. Cathy Champion et Astrid de Chaillé nous partagent les coulisses de ce véritable défi.
Pouvez-vous nous présenter l’équipe des peintres décorateurs et le travail qui a été réalisé ?
Au sein de ce chantier, il y avait trois peintres responsables des décors extérieurs et quatre autres chargés des décors intérieurs. Une autre équipe de peintres en décoration avait également préparé les supports de peinture avant notre arrivée.
Nous avions, au préalable, beaucoup discuté avec l’équipe du Château afin de mieux comprendre ce qui était recherché pour cette restauration. Nous avons également visité la Maison de la Reine et étudié des images d’époque, des archives ainsi que des élévations de l’édifice. À la suite de ces discussions, nous avons proposé des échantillons de teintes d’acajou qui ont directement été validés puisqu’ils correspondaient à la fois aux attentes et au contexte historique du monument. Concernant les décors extérieurs, nous avons principalement travaillé sur les façades, les bois et les poutres du Boudoir sur lesquels nous avons appliqué des décors de peintures minérales telles que de la peinture à la chaux et de la pliolite qui laissent respirer le mur lors d’intempéries. Nous avons, par la suite, utilisé de la patine qui permet de vieillir artificiellement la peinture et de donner un aspect plus ancien aux décors. Grâce à cela, nous avons recréé artificiellement l’usure du bois, de la façade et du soubassement. En parallèle, nous avons réalisé les décors intérieurs qui nécessitent des peintures plus traditionnelles, dites à l’huile. Ce sont des techniques et des pratiques très particulières et pointues qui restent d’époque. Nous avons également travaillé sur la réalisation de faux bois et de faux acajous sur lesquels nous appliquons justement ces peintures.
Avez-vous un souvenir qui vous a particulièrement marqué ?
Le site du Hameau de la Reine est exceptionnel, lorsque nous étions en haut de l’échafaudage, nous avions une vue sur la totalité du domaine et cela était assez incroyable. De plus, nous avons pu échanger avec les différents corps de métier présents sur le chantier. Par exemple, nous sommes intervenus sur des panneaux en bois repris par l’équipe de menuiseries. C’était un véritable travail d’équipe. Nous étions aussi régulièrement en contact avec l’équipe de conservation du château de Versailles, afin que les teintes des décors en peinture soient aussi réalisées en accord avec celles des mobiliers et du textile.
Qu’est-ce qui vous a rendu le plus fier lors de ce chantier ?
Ce qui nous a rendu le plus fier c’est le fait que l’échantillon de bois soit validé dès la première présentation. Nous avions bien étudié les demandes de l’équipe du Château et cela a confirmé que nous avions réussi à répondre à leurs attentes.