A l’occasion de l’exposition Les Animaux du Roi, du 12 octobre au 22 février 2022, le Château de Versailles présente deux œuvres inédites au public : Alexandre le Grand offrant des animaux à son professeur Aristote et Auguste recevant une ambassade d’Indiens, peintes par Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681). Béatrice Sarrazin, conservatrice général du patrimoine en charge des peintures des XVIe et XVIIe siècles, revient sur le caractère exceptionnel de l’acquisition de ces deux œuvres par le Château en 2021.
Deux œuvres inédites restaurées grâce au mécénat
Quelles sont ces œuvres et dans quelle mesure sont-elles importantes pour les collections du château de Versailles ?
Ces œuvres sont des projets pour deux des voussures du plafond du salon de Mercure dans le grand appartement du Roi, commandés par Louis XIV en 1672 au peintre français Jean-Baptiste de Champaigne. Au début de l’année 2021, ces peintures préparatoires rentrent dans les collections du Château et ont pu être restaurées grâce au mécénat de donateurs privés par l’intermédiaire de la Société des Amis de Versailles. Présentées pour la première fois à l’exposition Animaux du Roi, elles rejoindront ensuite la galerie de l'Histoire du Château pour y être exposées de façon permanente.
En plus de compléter le fonds des études préparatoires pour les plafonds, ces œuvres illustrent également le processus de création de l’artiste qui a réalisé l’ensemble du plafond du salon de Mercure. Elles s’insèrent merveilleusement dans le propos de l’exposition.
En quoi leur acquisition peut-elle être qualifiée d’ « exceptionnelle » ?
Par le plus grand des hasards ces deux œuvres, du même artiste, destinées au décor du même salon, sont apparues sur le marché de l’art à deux mois seulement d’intervalle. Leur caractère inédit se rajoutait à leur intérêt artistique et historique. Provenant de deux collections privées différentes, Auguste recevant une ambassade d’Indiens et Alexandre le Grand offrant des animaux à son professeur Aristote, ont été mis en vente aux enchères publiques, et préemptés par l'établissement public, respectivement en janvier et mars 2021.
Quelles sont les différences entre les œuvres préparatoires et les décors finaux du salon de Mercure ? Que disent-elles de la société et des mœurs de l’époque ?
La comparaison entre ces projets préparatoires et les décors finaux du salon est particulièrement intéressante : Auguste recevant une ambassade d’Indiens est proche de la composition finale, à quelques détails près. En revanche, Alexandre le Grand offrant des animaux à son professeur Aristote, présente des animaux de la ferme et des aigles en cage, alors que le grand format propose des animaux exotiques. C’est un véritable changement de parti, davantage cohérent avec le sujet représenté - Aristote s’attelant à l’écriture de son Histoire naturelle, et surtout qui souligne le manque de noblesse des animaux domestiques (allant jusqu’à mettre des aigles, symbole royal, en cage). Il est vraisemblable que le modello* n’a pas donné pleine satisfaction au roi et à Colbert…
* étude aboutie d’une œuvre destinée au commanditaire de l’œuvre