Le Versailles de
Christopher Peignart

Historien des jardins, du paysage et de la gestion environnementale des parcs et jardins historiques, il est chef de projets domaniaux au château de Versailles. Découvrez « Le Versailles de » Christopher Peignart.

Sa biographie

Spécialiste et historien des jardins, du paysage et de la gestion environnementale des parcs et jardins historiques, Christopher Peignart est actuellement chef de projets domaniaux et responsable de bases de données patrimoniales au sein de l’Établissement Public du Château, du Musée et du Domaine National de Versailles. Diplômé d’Histoire de l’Art, d’Archéologie environnementale, du Master Jardins Historiques, Patrimoine et Paysage, et d’une formation spécialisée en aménagement paysager. Jardinier et paysagiste, il est chargé de la réalisation, animation, mise en application et suivi du plan de gestion des domaines de Versailles et de Marly, entre autres du volet biodiversité et gestion environnementale. Il est également membre de la cellule Développement Durable de l’Établissement Public de Versailles, responsable des ruches de l’Établissement et référent pour le label « Jardin Remarquable ».  

Ses COUPS DE CŒUR

  • Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ? 
    Mon cœur balance entre mes premières amours ressenties et mon attachement au Domaine de Trianon, son histoire et ses paysages multiples, et le Domaine de Marly – intimement lié à Versailles-, symbole à mes yeux de la plénitude assumée d’un jardin historique ayant subi les affres du temps ; son histoire l’ayant conduit à développer une identité environnementale sur son socle originel. La cohabitation sensible des identités historiques, paysagères et naturalistes en font à mes yeux un écrin unique mettant en scène la structure originelle des lieux, ses perspectives et l’incarnation d’une naturalité Romantique de la ruine, forcée par son histoire chargée. À qui saura voir ces appels, le site offre une vision émouvante de l’âme de son passée, mêlée de sa fragile contemporanéité filigranée offrant notamment à voir des espaces prairiaux uniques et des espèces botaniques rares et protégées.
  • Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?
    Difficile de choisir un élément, la tentation est grande de choisir un lieu ou un fragment de paysage des deux Domaines, mais un ouvrage retient mon attention à chaque passage et sur lequel je ne peux me retenir de poser le regard : les murs du Domaine de Marly. Véritables œuvres maçonnées structurant le site, conduisant le regard dans le vallonnement et le long des perspectives, ils sont l’un des témoins de la puissance qu’incarnait le site à son apogée, et qui font encore de lui aujourd’hui ce jardin de terrasses unique. Mon cœur balance également pour l’ampleur de la réalisation du Grand Canal, inégalée dans ses proportions, du Domaine de Versailles. Ces œuvres sont des témoins tangibles d’une époque de faste des dimensions de la construction, que nous ne pourrions réitérer et égaler de nos jours.

Le Grand Canal

© THOMAS GARNIER

 

  • Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux, … Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?
    Il s’agit de ma première expérience professionnelle au sein du Château de Versailles, qui incarne encore aujourd’hui l’essence de ma personnalité professionnelle et personnelle. J’ai débuté sous le statut de jardinier au sein du Service des Jardins de Trianon et de Marly (d’où mon attachement pour les deux sites) et y ai connu des moments de douceur, de joie, d’humilité face à ces ouvrages végétaux, de profonde paix et de sérénité. Je me rappellerai longtemps ma première arrivée sur le péristyle, les parterres et la perspective du Grand Trianon, émerveillé et sans voix face à ce spectacle ayant pour seule limite celle de l’imagination. Aujourd’hui, mes missions me conduisent fréquemment à Trianon, me rappelant avec sourire cette période à la fois proche et lointaine de ma jeune expérience. 
     

ses conseils de lecture

  • Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?

Il en est un qui pour moi représente la sociologie et une vision contemporaine du XVIIe siècle, qui sans conteste est Manière de montrer les jardins de Versailles, rédigé par Louis XIV lui-même en sept versions successives entre 1689 et 1705, chacune évoluant au gré des modifications profondes du paysage insufflées par le monarque dans la réalisation que fut Versailles. Loin des conventions analytiques postérieures qui ont parfois pu porter un regard dirigé aux jardins et au site, il ne peut y avoir discours plus pur et originel que celui d’un roi présentant la vision de ses jardins et de leur expérience. Que l’on soit sensible ou non à l’itinéraire proposé, ce recueil n’en demeure pas moins une expression sensible, nostalgique et contemporaine du ressenti des jardins, des eaux, de la statuaire, des fontaines et bosquets d’une époque révolue; que l’on ne peut qu’imaginer aujourd’hui.

  • L’été, temps de lecture par excellence, approche bientôt. Auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?

Ma lecture personnelle ne saurait que trop conseiller les tomes du récit Nausicaä de la Vallée du Vent, rédigés par Hayao Miyazaki. Loin de statuer dans le seul registre de la fiction, ce récit à la fois poétique et brutal est une ode à la nature et une mise en garde percutante face à son ravage, ses conséquences et la déconnexion de l’Homme avec elle. Rédigée dans les années 1980-1990, novelisée suite à la parution du long-métrage du même nom en 1984, cette série de 7 tomes ainsi que l’anime ont dès mon adolescence contribué à ma vision du monde, de la nature, mon amour du vivant, du végétal, des fragiles équilibres tenants parfois à un rien et de tous les éléments jugés insignifiants qui en font partie intégrante. De la reconsidération de la fonge aux mécanismes évolutifs des biotopes, c’est un cri fracassant pour la considération et la protection de notre écosystème vital et global.