une œuvre rare et inédite
L’iconographie de la dauphine et de la reine Marie-Antoinette est très riche. Bien des peintres se sont essayé à l’exercice de traduire les traits de l’archiduchesse d’Autriche, mais peu d’entre eux ont donné satisfaction avant Mme Vigée Le Brun. Parmi les premiers figurèrent Joseph Ducreux (1735- 1802) ou FrançoisHubert Drouais (1727-1775), mais dès 1771, Duplessis avait esquissé le visage de la Dauphine.
La réputation de Duplessis, artiste originaire de Carpentras, était alors bien assise puisqu'il avait étéuvre agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1769. Sur proposition de Jean-Baptiste Marie Pierre (1713-1789), Premier peintre du roi et directeur de l’Académie royale de peinture, Duplessis, qui a été surnommé le «Van Dyck de l’École française », fut invité à exécuter une représentation de Marie-Antoinette à cheval en 1771. Cette commande avait d’abord échu à Louis-Michel Van Loo, mais celui-ci étant décédé cette même année, il fallut le remplacer. Le parti d’un portrait équestre fut alors finalement abandonné pour une effigie en buste.
Une esquisse préparatoire conservée au château de Versailles garde le souvenir de l’image que Duplessis souhaitait présenter à la postérité, et qu’il pouvait utiliser pour toute représentation de la Dauphine, qu’elle fût équestre ou en buste. Pierre de Nolhac, conservateur du château de Versailles, acquit en 1936 cette «première idée » commentant ainsi cette esquisse : « cette étude donne bien cette impression de jeunesse avec un incontestable caractère de vérité sur cette toile non terminée. »
Le tableau acquis aujourd'hui par le château de Versailles procède de cette œuvre. Son examen révèle sans conteste dans le visage de Marie-Antoinette, la main du maître ; l’observation du traitement du costume et de l’arrièreplan démontre aussi le caractère inachevé de l’œuvre. À cet aspect, rien d’étonnant: le peintre, en quête de vérité, n'eut pas la chance de plaire à son modèle bien que le visage soit plus flatteur que dans l'esquisse, que les traits aient été adoucis, et que le rendu de la coiffure soit plus habile. La Dauphine rejeta ce naturel. Sans doute l’expert en ressemblances sut-il trop bien saisir les éléments essentiels de la physionomie de Marie-Antoinette: les yeux globuleux, le front bombé, la lèvre autrichienne, le menton lourd des Habsbourg. Le port de tête remarquable, la fraîcheur du teint, le blond poudré de la chevelure ne suffisaient pas, aux yeux de la Dauphine, à les adoucir.
Ce traitement réaliste du prestigieux modèle permet au château de Versailles d’enrichir sa collection du premier portrait de la jeune Marie-Antoinette exécuté sur le sol français, par l’un des peintres les plus doués de sa génération.
Cette acquisition a été rendue possible grâce au mécénat
de la Société des Amis de Versailles