Rosalba Carriera
Pastelliste et portraitiste de renom à Venise, reçue à l’Académie Saint-Luc à Rome en 1705, Rosalba Carriera (1675-1757) est sollicitée par les grands mécènes européens de la première moitié du XVIIIe siècle, tels qu'Auguste III, roi de Pologne et électeur de Saxe,
Georges III d’Angleterre, Frederic IV de Danemark, ainsi que les ducs Côme de Médicis et de Mecklembourg. En 1719, Carriera est invitée en France par l’amateur, mécène et financier, Pierre Crozat. Entre 1720 et 1721, elle séjourne dans l’hôtel particulier de Crozat à Paris, où elle tisse de nombreuses relations avec des artistes français, notamment Antoine Coypel et Antoine Watteau.
Pendant son séjour parisien, Carriera tient un journal qui fournit de précieuses informations sur ses relations et sa production artistique. Sa réputation et son talent attirent une vaste clientèle friande de ses portraits alliant réalisme et illusionnisme, ressemblance et idéalisation du modèle. Son séjour à Paris culmine avec la commande du portrait du jeune Louis XV, alors âgé de 10 ans.
Un exceptionnel portrait de Louis XV enfant
Dans son journal, Carriera évoque les différentes versions du portrait du Roi qu’elle exécute entre juin et novembre 1720, de différentes tailles (« piciolo », « grande », « miniatura »), avec différentes techniques et sur divers supports. Ce premier portrait au pastel, « piciolo », commencé le 14 juin 1720 et aujourd'hui acquis par le château de Versailles, est considéré par les spécialistes comme la première ébauche du portrait officiel de Louis XV enfant.
Une autre version, plus grande, a été commencée quelques jours plus tard, le 20 juin 1720. Ce portrait sans aucun doute officiel fut exposé dans le salon où jouait le Roi, au château de Versailles, le 29 décembre suivant.
Présenté à l’Académie royale de peintre et de sculpture le 26 octobre 1720, il valut à l’artiste vénitienne d'y être agréée et reçue le même jour. Il est communément admis que cet original est la version conservée à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde qui fut peut-être offert par Louis XV à Auguste III lors du mariage du Dauphin avec sa fille Marie-Josèphe.
Dans la première version du portrait, le dessin est encore perceptible dans le traitement du contour du visage. Mais, malgré la brièveté de la séance de pose, Rosalba Carriera manifeste sa virtuosité technique dans le rendu du velouté de la carnation, de l’éclat et de la douceur du regard, du mouvement et de la légèreté des boucles…
La version aboutie de Dresde présente certes une palette plus riche en nuances, plus de subtilité dans le mélange de couleurs, mais aussi plus de mollesse. Les contours adoucis, les ombres plus diffuses, le visage affiné donnent au jeune garçon un aspect moins enfantin. Surtout l’habit brodé aux riches reflets orangés, la présence presque ostentatoire du cordon bleu de Saint-Michel et de la croix du Saint-Esprit, le manteau fleurdelysé et bordé d’hermine, donnent à ce garçon de 10 ans une allure plus royale.
Le portrait de Louis XV enfant par Rosalba Carriera a été acquis grâce au mécénat de Hubert et Mireille Goldschmidt, par l'intermédiaire de American Friends of Versailles.