Une antichambre au cœur du système de cour
Située dans le corps central du Château, au cœur de la résidence royale, l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf est l’une des dernières réalisations architecturales de Louis XIV à Versailles. Avant son aménagement, deux pièces se trouvaient à son emplacement : le salon des Bassans - du nom du peintre vénitien Jacopo Bassano dont les œuvres ornaient la pièce - et l’ancienne chambre du Roi.
En 1701, Louis XIV demanda le réaménagement d’une partie de son grand appartement. Sa chambre fut transférée dans le grand salon d’axe adjacent : c’est l’actuelle chambre du Roi. La cloison séparant le salon des Bassans et l’ancienne chambre fut abattue, créant ainsi une nouvelle grande pièce. Elle reçut une fenêtre en œil-de-bœuf qui lui donna son nom. Jules Hardouin-Mansart, avec le concours de Robert de Cotte, supervisa ces travaux.
La nouvelle antichambre est au croisement de la galerie des Glaces, de la nouvelle chambre du Roi et des petits cabinets de la Reine. Cette position centrale lui confèra une fonction essentielle à la mécanique de Cour.
C’est en effet dans cette pièce que patientaient les personnalités ayant le privilège d’assister aux petit et grand levers du roi. Elles pénétraient dans la chambre du souverain selon un cérémonial codifié : on parle d’« entrées ». Chaque entrée était réservée aux membres de l’entourage du Roi selon son rang ou sa fonction auprès de la Couronne. Six entrées étaient ainsi quotidiennement observées. L’on accueille par exemple lors des premières entrées, dites « familières », le médecin, le chirurgien et les enfants royaux ou plus tard des courtisans choisis à la discrétion du souverain lors des cinquièmes entrées.
Un décor précurseur
Jules Hardouin-Mansart offrit à l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf un décor dont la préciosité est à la hauteur de l’usage curial de la pièce et de sa proximité avec la chambre du Roi. L’architecte y appliqua certains codes du décor royal à la française, comme les lambris blanc et or, qu’il transcrivit dans un goût nouveau : alors que le style Louis XIV se caractérisa par un décor fastueux et hiératique, celui de l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf annonça dès 1701 les prémices du style rocaille qui triompha une trentaine d’années plus tard, sous Louis XV.
Ainsi, on ne retrouve pas dans ce salon des allégories martiales ou des représentations de divinités antiques comme dans la galerie des Glaces ou le grand appartement du Roi. Les éléments décoratifs sont résolument plus légers et trahissent un fléchissement de l’art rigoureux et sévère des années 1680 : les lambris sont agrémentés de festons de fleurs, de coquilles et de bambins jouant. L’antichambre de l’Œil-de-Bœuf est le dernier exemple au Château de cette transition entre les styles Louis XIV et Louis XV.
La restauration
L’antichambre de l’Œil-de-Bœuf conserva son précieux décor sous l’Ancien Régime et fut relativement épargné par les destructions révolutionnaires et par les aménagements réalisés sous Louis-Philippe. Quelques modestes restaurations sont menées dans les années 1920 et 1930 et c’est dans les années 1980 que le salon connut sa première restauration d’envergure.
Aujourd’hui, la pièce souffre d’un état de dégradation mettant en péril ses éléments architecturaux et décoratifs : de nombreuses fissures parcourent l’ensemble de la voussure, les lambris présentent des défaillances structurelles et des altérations tandis que l’état de la dorure est très variable. Les peintures qui ornent le salon et qui avaient été encastrées sous la Restauration - dont l’insigne Famille royale dans l’Olympe de Jean Nocret - ont déjà été deposées et sont actuellement en restauration. Le projet débute en février 2023 et prévoit la restauration complète de l’antichambre avec la dépose et la repose des boiseries, la restauration de la menuiserie et la révision de la quincaillerie.
La première tranche de travaux concerne l’ensemble des restaurations indispensables et couvre tous les différents éléments. Une seconde tranche concernera le rétablissement des dessus-de-porte, la peinture-dorure et la sculpture.
Une restauration s’inscrivant dans le schéma directeur « Grand Versailles »
En 2003, le ministère de la Culture et l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles ont engagé la mise en œuvre du « Grand Versailles », un ambitieux projet qui vise à terme à atteindre trois objectifs majeurs : la restauration du monument historique et de ses décors, la mise en sécurité de l’ensemble du site et l’amélioration de l’accueil des publics.
Ainsi, en parallèle de la restauration architecturale de ses décors, l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf bénéficiera d’une mise en sécurité de son espace afin de renforcer la conservation de ses œuvres et la détection incendie. La rénovation de l’éclairage et du système de traitement de l’air sera aussi menée.